Alors que la question de l’emploi revient dans l’actualité à travers la « loi Travail » et la diminution drastique des « contrats aidés », des initiatives locales enrichissent le débat : elles peuvent donner espoir aux chômeurs de longue durée et dynamiser des communes rurales.
Le projet « Territoire zéro chômeur », initié par ATD Quart Monde (Agir tous pour la dignité Quart monde), est né d’un double constat. D’une part, les emplois manquent alors que le travail ne manque pas. Il existe sur un territoire donné des besoins non satisfaits, des travaux utiles à la société, mais insuffisamment lucratifs pour le marché classique.
D’autre part, chaque personne possède des compétences, de par son expérience professionnelle et son expérience de vie.
Le coût annuel d’un « demandeur d’emploi longue durée », c’est-à-dire d’une personne inscrite depuis plus d’un an à Pôle emploi, est estimé entre 16 000 et 20 000 euros par an. Celui-ci inclut les prestations liées aux indemnités chômage, à l’Allocation de solidarité spécifique (ASS) [1], au Revenu de solidarité active (RSA), mais aussi aux coûts correspondants à l’Aide personnalisée au logement (APL).
Viennent se rajouter les frais liés à la santé, à l’échec scolaire et aux manques à gagner des caisses des différents organismes (sécurité sociale, Assedic, impôts, etc.).
L’originalité du projet « Territoire zéro chômeur » est de rediriger ce coût pour financer des emplois manquants sur un territoire donné, de proposer des CDI rémunérés au SMIC aux demandeurs d’emploi longue durée, qui sont les plus éloignés de l’emploi, et de travailler avec les entreprises implantées localement, l’objectif étant la création de nouveaux emplois.
Ce projet a été voté à l’Assemblée nationale en février 2016, pour une durée expérimentale de cinq ans. Il concerne 10 territoires sur toute la France et pourrait être élargi, s’il est reconduit.
J’ai pu rencontrer M. Prost chef de projet de « Territoire zéro chômeurs » sur les communes de Pipriac et St Ganton (Île et Vilaine) [2].
M. Prost, m’a expliqué le fonctionnement de cette action dont l’objectif est « le plein emploi volontaire sur le territoire ».
Sans l’implication de tous, il ne peut réussir. Sur notre territoire, qui inclut 2 communes, le travail préparatoire à la mise en place du projet a démarré en juin 2014, alors que la loi n’avait pas encore été votée. Ainsi, nous étions prêts pour démarrer en janvier 2017. L’important pour mener à bien ce projet est d’intervenir sur un petit territoire, afin de pouvoir mettre en lien les demandeurs d’emploi et les entreprises locales. Au départ, une équipe d’animation territoriale a contacté les élus, les entreprises et les associations du territoire pour les mobiliser. Lorsque ces acteurs se sont montrés suffisamment prêts à s’engager dans l’expérimentation, les demandeurs d’emplois suivis par le Point accueil emploi (PAE) de Pipriac ont été sollicités pour rejoindre le projet. Le PAE est une structure de proximité pour les gens qui cherchent du travail ou souhaitent des renseignements sur l’emploi et la formation, et il fait un travail d’accompagnement (aide au CV, réflexion sur le projet professionnel…). C’est seulement après avoir rencontré les personnes concernées, fait l’inventaire de leur savoir-faire et de leurs souhaits de travail, que la recherche de tout ce qu’il y avait d’utile à faire sur le territoire a été engagée. C’est en effet, précisément pour ces personnes, qu’il fallait trouver du travail, pas de manière abstraite. Il fallait donc commencer par les connaître.
Mais ceci se fait sur la base du volontariat, et la dotation totale est plafonnée à 113% du SMIC. La région, elle, est sollicitée pour la formation des demandeurs d’emploi.
On fait confiance aux personnes pour évoluer mais on ne veut pas les bousculer.
On est ouvert depuis six mois, et on sait que les personnes doivent d’abord reprendre pied dans le travail.
On essaie de créer autour d’elles un environnement stimulant pour qu’elles aient envie d’évoluer. On doit donc répondre à leur demande de formation, leur permettre de se faire connaître des entreprises locales. Il faut qu’elles reprennent confiance dans leurs capacités et se disent « Tiens je pourrais travailler autre part… ».
Les salariés peuvent y travailler lorsqu’ils ne sont pas en prestation auprès de clients extérieurs, car TEZEA se doit d’honorer le contrat passé avec eux, à savoir leur fournir une durée de travail hebdomadaire donnée.
Nous avons aussi créé une activité de démantèlement de palettes, de création de mobilier en bois de palettes et de découpe de bois de chauffage proposé aux personnes sous condition de ressources. Ceci permet d’absorber les fluctuations des commandes extérieures et permet aux personnes qui veulent travailler 35 heures hebdomadaires de pouvoir le faire.
Nous réfléchissons à la mise en place d’une activité de légumerie pour les cantines bio des communes – l’épluchage de légume – qui demande beaucoup de préparation. Mais nous devons d’abord nous assurer qu’il y a un besoin réel non couvert par des structures existantes ou en création, notre principe étant d’intervenir toujours en complémentarité, jamais en concurrence.
Ce que nous aimerions développer auprès des personnes âgées, c’est les « petits services de confort » qui ne relèvent pas de la dépendance mais sont très utiles et qui pourraient s’adresser à des personnes à petits revenus qui ne relèvent pas des associations. Mais cela se construit dans la durée, il faut tisser petit à petit des relations de confiance avec les structures locales et s’assurer qu’effectivement elles ne touchent pas cette clientèle.
[1]. Allocation solidarité spécifique — dite aussi « allocation de fin de droits » — lorsque les droits aux Assedic sont épuisés.
[2]. Pipriac : 3739 habitants — St Ganton : 418 habitants : département d’Ille-et-Vilaine
[3]. Entreprise à but d’emploi est la structure qui recrute les demandeurs d’emploi
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Pour en savoir plus
Le lien sur le site d’ATD
Ecoutez l’émission le Téléphone sonne de France Inter sur « Les Territoires Zéro chômage de longue durée » du 9 juin
Un article dans Libération
David Wynot dit
Faites une expérience : lisez l’article en pensant que c’est une initiative du gouvernement, quels sont vos réactions sous cette condition ???
Juste un test sur notre capacité à juger d’une initiative par rapport à son origine, plutôt que par rapport à nos valeurs.
David