Les résultats des élections présidentielles au Portugal dimanche dernier, qui ont donné une victoire au candidat de droite, Marcelo Sousa, au premier tour (52%), confirment qu’il ne s’agit plus simplement d’une nouvelle donne du jeu mais plutôt d’un changement des règles du jeu en soi.
Pour la droite portugaise, la victoire de Marcelo Sousa serait la confirmation qu’en octobre 2015, aux élections pour le Parlement, le peuple portugais –bien qu’il n´ait pas attribué la majorité absolue à la coalition de l´ex-Premier Ministre Passos Coelho (PSD Parti Social-Démocrate)-, aurait une préférence claire pour un gouvernement de continuité avec les politiques d´austérité, -de soi-disant rigueur budgétaire-, et conséquemment que le peuple portugais ne soutiendrait pas la solution de gauche, celle du soutien parlementaire au nouveau gouvernement d´António Costa (PS Parti Socialiste).
Un ping pong de 40 ans
En réalité la droite portugaise se sent orpheline d´un système d´alternance entre le centre gauche et le centre droit qui a dominé les 40 ans de politique portugaise après le 25 avril. Elle reste en état de choc, paralysée depuis la chute de son gouvernent minoritaire au Parlement alors qu´elle croyait possible un nouveau bail au regard des règles du jeu habituelles.
Le candidat Marcelo Sousa s´est présenté à la présidentielle au centre, « à la gauche de la droite », comme il a osé l’affirmer pendant la campagne électorale. Il renonce à porter le drapeau de la revanche et à se donner pour mission la dissolution du Parlement, action radicale que le Président sortant Cavaco Silva souhaitait mais n’était plus en mesure de décider dans les derniers mois de son mandat, pas plus qu’il ne pouvait convoquer de nouvelles élections pour le Parlement.
Ça change, on le sent
Marcelo a compris qu´il y avait du changement dans l´air et que la domination à droite des logiques anti–état social représentées par Merkel en Allemagne et par Rajoy en Espagne, ne peut conduire à des résultats positifs à moyen et à long terme. Les mouvements de type front de gauche radical , Podemos et Syrisa, ont aussi une traduction à une échelle plus réduite au Portugal dans le vote pour le Bloc de Gauche, qui dépasse maintenant le traditionnel et très orthodoxe Parti Communiste Portugais.
Marcelo a gagné au centre et a refusé d´être le candidat de la droite. Son objectif est de préparer la recomposition d´une droite affaiblie et de lui donner une nouvelle plateforme programmatique que récupère le discours du social. Il veut empêcher à tout prix que la gauche consolide son alliance en monopolisant les solutions de justice sociale, essentielles alors qu’un quart des Portugais est en situation de pauvreté et que près de 800.000 travailleurs sont pauvres.
Toujours l´art du tapis
Au lieu de livrer un combat frontal à l´État Social et au gouvernement de gauche de Costa, Marcelo Sousa préférera tirer le tapis à lui petit à petit tout en empêchant que le Parti Socialiste n’accroisse son influence et en aidant la droite à se regrouper autour d´un nouveau programme populiste qui efface le visage de l´austérité et lui redonne de la crédibilité.
Il est bien vrai que le Président de la République au Portugal n´a qu´une fonction symbolique assurant le bon fonctionnement des institutions de l´État et ne possède aucun pouvoir exécutif. Ainsi sa marge de manœuvre est-elle assez réduite. Mais l´ex-jongleur des commentaires politiques des émissions du Dimanche soir à la TV, Marcelo Sousa, qui est maître dans l´art de la communication corrosive, saura l´utiliser pour mener son plan à bon port.
La gauche en difficulté
Sampaio da Nóvoa, le candidat indépendant de gauche qui a terminé en seconde position derrière Marcelo Sousa, avec 22,8% des voix, aurait pu être l´opposant direct du candidat de droite et se présenter au second tour des élections avec des possibilités de gagner si le PS avait pu déclarer son appui formel à sa candidature. Sampaio da Nóvoa, ex-recteur de l´Université de Lisbonne, a présenté un programme de participation citoyenne qui incluait non seulement le respect de la solution trouvée au Parlement pour rendre possible et légitime l’actuel gouvernement de gauche, mais encore un appel au changement , pour des pratiques politiques qui devraient engager tous les Portugais à une citoyenneté plus active. Son acceptation auprès des socialistes était unanime jusqu´au moment où Maria de Belém, ex-Présidente du PS, est entrée dans le jeu pour faire savoir qu´il y a un courant qui préfère les alliances avec la droite et n’accepte pas l´appui des communistes à un gouvernement socialiste.
Son résultat catastrophique (4,24%), bien au-dessous de la candidate du Bloc de Gauche Marisa Matias (10,13%), a confirmé que cette orientation socialiste incarnée en 2015, par António Seguro (un dirigeant socialiste très à la Hollande) était plus que revanchiste, un appui indirect au candidat de droite.
Costa prend du souffle
Ces résultats, même si la gauche a perdu les élections, ont renforcé l´autorité politique de l´actuel Premier Ministre Antonio Costa qui, ayant respecté la tradition de l´équidistance du PS face à des candidats de la même famille politique, voit la droite du PS réduite à des miettes et sans espoir de voir revenir les vieux temps des accords systématiques et alternés avec les partis de droite.
Les règles du jeu changent. Le jeu est maintenant plus ouvert et plus nuancé. Donc plus approprié à des surprises possibles.
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