Ce fut un trop court moment de bonheur que ce concert de Michèle Bernard au Café de la danse le 18 octobre, concert donné pour présenter son nouveau CD, Tout’ Manières. Deux soirées, deux salles combles, et on aurait aimé y revenir encore !
Michèle Bernard suit sa route, depuis déjà plus de quarante ans, sans se soucier des sirènes du show business et du parisianisme, ce qui lui a valu parfois la réputation d’être une chanteuse régionale. Quelle erreur ! Michèle est une grande dame de la chanson, au même titre que son aînée Anne Sylvestre, qui est venue sur scène chanter avec elle la chanson Madame Anne, composée au nom de leur amitié.
De quoi est donc faite l’alchimie de l’œuvre de Michèle ? De mélancolie douce, de tendresse, de cette simplicité qui est l’apanage des grands artistes. Elle chante, au fond, toujours la même chose, la « honte et la colère » devant les violences et les absurdités du monde, – Savons d’Alep– , les espoirs en un monde meilleur, bien malmenés depuis l’époque de Graeme Allwright, – Tu t’rappelles « Les p’tites boîtes »–, les rêves déçus, l’incompréhension face au malheur et au manque d’amour, la compassion envers les hommes et les animaux maltraités. Mais elle chante aussi l’espoir malgré tout <Ce vieil espoir têtu / Qui file entre nos mains>, la beauté du monde, le désir de bonheur, la joie et l’amour, seuls remèdes avant que tout s’efface, parce que « nous passerons », contrairement aux …
Chewing-gums crachés
Sur le ciel noir
De nos trottoirs
Comme une pluie d’étoiles blanches
Plantées dans la nuit du goudron
– Chewing Gums –
La conscience lucide du carpe diem joue ici comme un levier pour dire qu’il faut s’entraider, aider le …
Gamin hagard
Qui vient de nulle part
Et que l’on renvoie
D’asiles en prisons
– Tout’manières –
et se serrer bien fort sous les orages. À cela s’ajoute une immense générosité, et le refus de toute prise de tête. Michèle n’assène pas de grandes vérités, ne donne pas dans les grandes proclamations militantes, et que la salle soit « Paroissiale ou municipale », l’essentiel est d’avoir « une salle pour répéter ». Elle est pourtant une chanteuse engagée jusqu’au bout des doigts qui courent sur les touches de son vieil ami l’accordéon. Mais c’est par l’humour qu’elle dénonce, comme dans Yvette, le sort des petites vieilles condamnées à la solitude des relations informatiques :
Elle pourra les voir sur l’écran
En train d’lui dire « salut maman »
Ça f’ra au moins quelqu’chose
Qu’arrive
Ou encore la mode du clic internet :
Clic clac c’est un droit
Effleurer le malheur du doigt – Je clique –
Son talent est de tout suggérer, de faire entrer l’univers dans ses chansons par le biais de petits objets, de petites histoires du quotidien, les savons d’Alep, les brocs bleus du cimetière de Sète, les quatre-vingt beaux chevaux de halage du canal de Jonage. C’est en cela que son œuvre relève de la poésie.
Mais à tout cela encore faut-il rajouter la beauté de la musique [1], le dialogue entre les notes qui s’enroulent autour des mots et les mots qui se déroulent entre les notes, le talent endiablé des musiciens, dont un accordéoniste aux doigts de fée, l’empathie que Michèle sait créer avec ses équipes. Et puis, au Café de la danse, ce soir-là, l’empathie avec le public, la présence sur scène de ce petit bout de femme qui semble s’adresser à chacune et chacun, les clins d’œil, comme lorsqu’elle emprunte ses lunettes à une spectatrice pour une imitation coquine de Nana Mouskouri…
Oui, une grande dame, que nous aurons plaisir à suivre sur ses chemins ! [2]
Merci Michèle pour tous ces instants de grâce !
[1]. Les magnifiques arrangements sont de Pascal Berne.
[2]. www.michelebernard.net/ pour l’agenda de ses concerts. Le duo de Michèle avec Monique Brun
Un p’tit rêve très court est un autre spectacle auquel on peut se précipiter ! On peut également écouter sur le site de Michèle la chanson Je clique du dernier CD (accessible aussi sur You tube).
Michèle Narvaez
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La chanson Alors c’est fini ?
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