La victoire de Benoît Hamon aux primaires de la gauche a ouvert la perspective de la reconstruction d’un imaginaire de gauche. Lorsqu’on lit avec attention les programmes de Benoît Hamon et de Jean-Luc Mélenchon, ils sont à 70% communs.
Plus que jamais, la gauche doit se présenter unie aux élections. Mais comment ne pas faire perdre la face, ni à l’un, ni à l’autre ?
Bonjour à tous deux,
Une voix de plus, vous direz-vous, pour vous demander de faire candidature commune le 23 avril prochain, lors du premier tour des présidentielles. J’ai lu soigneusement vos programmes, je les ai annotés, vous êtes à 75% d’accord.
Face à ce qui se prépare, dans le camp d’en face, de la droite dure, fasciste ou fascisante de Le Pen ou de Fillon à la droite libérale, incarnée par Macron, vos deux candidatures ont eu, chacune avec une musique différente, l’immense avantage de dessiner la reconstruction d’un imaginaire de gauche dans lequel peuvent se rencontrer tous ceux qui attendaient depuis si longtemps que s’incarnent cette idée et ces combats, redevenus vivants et crédibles grâce à vous, à vos équipes, aux militants qui vous suivent.
J’ai écouté, avec attention et intérêt, en direct, vos deux discours, complémentaires à mon sens et pas concurrents. Vous avez réciproquement pris soin, et je vous en sais gré, de ne pas vous égratigner mutuellement. Et alors ?
130 000 personnes place de la République, 25 000 personnes à Bercy ne font pas une majorité électorale !
Mon milieu naturel est la gauche, tous mes amis sont de gauche : la moitié d’entre eux va voter Macron par défaut, car vous ne présentez pas une candidature unie et qu’ils ont peur d’un deuxième tour Le Pen/Fillon ! Ils ont tort, pensez-vous, je le pense aussi. Mais c’est la réalité de ce que s’imaginent la moitié des gens qui vont choisir de voter Macron !
Vous ne pouvez espérer l’un ou l’autre, être présents au deuxième tour ; en revanche l’un et l’autre, unis, avec un rôle qu’il s’agirait de définir, et tout redevient possible. Je comprends fort bien que ni l’un ni l’autrene vouliez vous effacer. Il faut donc trouver une solution qui donne toute sa place à chacune de vos candidatures.
Pourquoi ne pas imaginer ceci :
• Benoît Hamon, vous vous présentez comme président de la République, mais vous affirmez haut et fort que vous êtes un président de transition qui organise le passage à la VIe République ; autrement dit, vous mettez votre fonction en jeu, ou tout du moins la définition de vos prérogatives présidentielles.
• Jean-Luc Mélenchon, vous êtes nommé, auprès de Benoît Hamon, organisateur de la mise en place d’une constituante vers l’avènement de la VIe République. Vous organisez le processus démocratique qui permet d’associer le peuple à la mise en place de cette assemblée constituante qui débouchera sur l‘avènement de la VIe République.
Vous co-définissez ensemble les règles qui permettront de définir le modus vivendi de la transition entre la Ve et la VIe République.
Cette proposition a l’avantage de vous faire travailler en synergie et complémentarité et d’ouvrir enfin le chemin vers un basculement des idées qui débouche sur un changement politique en profondeur, porté par une gauche vivante qui se donne les moyens d’une transformation réelle.
Et elle a l’énorme avantage de ne pas vous faire porter la responsabilité d’un échec de la gauche pour n’avoir pas exploré jusqu’au bout la voie d’une union indispensable pour éviter cet échec, à un moment crucial où la France a urgemment besoin d’un véritable gouvernement de gauche pour porter la justice sociale et la transition écologique.
En outre, cette co-élaboration peut se faire dans la paix, à partir d’un verdict dicté par les urnes, sans violence. Si la situation sociale de la France continue à se dégrader ainsi, si la montée de l’extrême droite se confirme, sans cette dynamique d’union, nous courons le risque de nous trouver dans une situation qui rappellera les années trente. Et alors se déchaînera la violence et l’arbitraire.
Cette proposition peut vous paraître utopique, mais vous n’êtes pas sans connaître la phrase de Victor Hugo : l’utopie est la vérité de demain. Il reste 20 jours pour vous présenter ensemble face aux électeurs ; sortez des cercles de vos sympathisants et écoutez ce que souhaite le peuple de gauche, l’unité, comme aux grands moments de notre histoire.
Avec mes amitiés fraternelles.
Sylvie Dreyfus-Alphandéry
Militante associative – association inscrite dans la tradition de l’éducation populaire.
David Wynot dit
Merci encore Sylvie.
Avec le ralliement de Valls, le PS vient de se casser définitivement.
Il est temps pour Harmon de faire un hold-up sur ce qui reste pour rejoindre Mellenchon.
Ce dernier a le souffle jauressien qui nous donne une chance de doubler Macron.
Si ce que nous souhaitons ne se réalise pas alors, oui, Macron pour ne laisser aucune chance à Fillon, plus jamais 2002. Mais sans illusion, sur la suite, c’est du Hollande d’jeune.
David
M DUBOE dit
Oui..mais encore une fois-ci. .quel dédain de Melenchon avec sa réplique concernant Hamon.. »il est en train de murir »..comme si il attendait que le fruit mur tombe..
malou dit
Qu’on soit d’accord ou non avec la dynamique que pourrait aujourd’hui impulser une telle union au cas où cette lettre atteindrait son but, on ne peut que saluer cette tentative de bon sens de ramener à la raison une gauche digne de ce nom .
François dit
Merci Sylvie de ta lettre de « bonne volonté » qui rejoint beaucoup d’appels et de pétitions massives (dont la 1mais pas 3) qui ont circulé et qui auraient pu créer une dynamique d’unité. Mais hélas malgré tous les appels, nous ne voyons pas de rapprochement entre les deux candidats Mélenchon et Hamon.
Est-ce si étonnant ?
Les pistes abordées par Hamon pour un renouvellement de la gauche socialiste ont le mérite de rouvrir le jeu mais cela suffit-il ? La critique des limites des résultats du gouvernement Hollande suffit-elle à fournir un programme ?
D’abord ces deux leaders veulent-ils vraiment gagner la présidentielle pour gouverner ?
Veulent-ils gouverner ensemble ?
Veulent-ils construire une majorité des votants ou bien juste se compter ?
Sur quels enjeux une majorité de nos concitoyens serait-elle prête à voter pour une mythique gauche réunifiée ? Est-ce le débat sur une constituante ou sur un revenu universel ? Les questions de chômage, de stagnation du pouvoir d’achat, d’accès au logement, à la santé et à l’éducation et enfin de sécurité ne sont-ils pas perçus comme beaucoup plus urgents.
N’y-a-t-il pas de la profonde divergence traversant les gauches entre elles. C’est une grande différence avec l’attitude des gauches portugaises et le contrat de gouvernement qu’elles ont passé en novembre 2015. Ou encore avec la situation des partis allemands (social-démocratie, les verts et Linke) qui ébauchent un contrat de gouvernement pour les prochaines élections et qui testent ces alliances au plan local.
Pourquoi Mélenchon et Hamon ne préparent-ils pas un accord de gouvernement ou même seulement un front électoral pour éviter le risque d’une revanche électorale de la droite aux législatives ? A cause de 25% de différences ou bien à cause de différences bien plus importantes qui ne sont pas explicitées ?
Les programmes mis en avant sont-ils si communs que cela ? Et s’ils apparaissent proches sur certains marqueurs idéologiques communs, le sont-ils vraiment dans une capacité à gouverner ensemble ? Une démarche d’alliance peut-elle être improvisée ? Ne faut-il pas du temps, des collectifs, … du travail.
Si tu mets en premier la constituante et l’hypothétique 6ème république (c’est la constitution de la 2ème ou la 4ème, c’est la suppression de la présidence ?, la fin du jacobinisme ?, c’est la constitution allemande, suédoise ?) crois-tu répondre aux préoccupations prioritaires des français ?
Comment tranches-tu les divergences sur l’Europe, sur la difficile négociation du Brexit avec un qui pensera « je veux faire pareil » et l’autre « il faut que ceux qui partent assument le prix de la rupture ». Les rapports aux entreprises, à la fiscalité, aux investissements européens ? – Attendez on va faire une constituante ? Et la politique étrangère face à Poutine et Assad ? Le « dégagisme » n’est pas un programme, ni l’utilisation opportuniste des mots peuple et populisme, ni la sortie implicite de l’Euro. Il y-a-t-il ou non solidarité avec les migrants, partenariat avec l’Allemagne ou anti-germanisme sommaire, reprise des termes de JMLP « Rendre la France aux français contre les oligarchies » ou réformisme responsable ?
L’essentiel les oppose !
En fait ta proposition est de ménager les égos des deux candidats mais pas de dessiner une alliance.
Enfin rappelons-nous que l’enjeu est le choix très lourd en France –hélas- de la présidentielle et surtout d’une alliance capable de gagner au second tour face au Front National.
Serait-il si glorieux d’accéder au second tour pour perdre ensuite face à Marine Le Pen ? Je crains en effet que celle-ci ne gagne facilement dans un second tour face à la gauche, il y a tant de porosité entre droite et extrême-droite, celle-ci serait renforcée par de gros bataillons de la droite furieuse. Je crois donc qu’il est préférable qu’elle ne soit pas en tête au premier tour.
Donc ne prends-tu pas des risques inconsidérés par rapport à ta première affirmation de vouloir à tout prix éviter droite et extrême droite ?
Mediapart a publié plusieurs articles de « l’intérieur » sur la « France insoumise » et l’alliance impossible. Cela prendra du temps et le renouvellement des partis. Et il n’y a pas que l’élection pour l’exprimer.
Comme en tête de ce blog, la parole revient à Camus « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ».
Samuel dit
Chère Sylvie,
Un grand merci pour cette initiative! Malheureusement il faut bien constater qu’une semaine après que tu aies envoyé ta lettre ouverte et malgré d’autres initiatives dans le même sens, elle n’a pas eu d’effet. Or la situation devient plus que préoccupante en France. Outre le fait que Mélenchon n’a pas tenu sa parole après avoir dit qu »il ne se présentait pas à la primaire pour ne pas devoir voter François Hollande, ce qui aurait du le conduire à se retirer une fois que l’élu de la gauche était Benoit Hamon, une bonne partie du PS est entrain de répéter la même erreur que les démocrates aux Etats Unis l’année dernière. De même que ces derniers ont préféré soutenir une personne du système (Hillary Clinton) plutôt que quelqu’un qui ouvrait une nouvelle perspective (Bernie Sanders) et qui était le seul à pouvoir battre Trump, les socialistes français qui abandonnent lâchement Hamon sont entrain de soutenir un homme du système (Macron) qui est du pain béni pour Lepen.
Certains commencent à se rendre compte du danger car il devient de plus en plus évident que Macron n’est pas la bonne personne pour être certain de battre Lepen au deuxième tour, mais c’est bien tard pour s’en rendre compte!!
Que faire maintenant? Je suis personnellement écoeuré de voir comment on a banalisé le mensonge, le manquement à la parole et le mépris pour les décisions des électeurs. C’est une très grave crise de démocratie à laquelle nous assistons et qui pourrait se traduire par le pire de scénarios comme cela s’est passé au Royaume Uni et aux Etats Unis.