Quelques mois après avoir été lancé, l’observatoire de la fraternité en Seine-Saint-Denis continue son chemin. Après Didier Leschi, puis Fethi Benslama, c’est au tour d’un collectif d’enseignants du Cercle des enseignants laïques (CEL) de venir débattre et présenter le Petit manuel pour une laïcité apaisée à l’usage des enseignants, des élèves et de leurs parents qu’ils ont élaboré avec Jean Baubérot.
« Un livre de plus sur la laïcité ? » diront certains. Certes, mais pas n’importe lequel ! Un livre d’une grande finesse, écrit par des gens de terrain qui, outre leur discipline respective, ont la charge d’enseigner la laïcité.
Dans les locaux de la mairie de la Courneuve, devant une assistance d’une cinquantaine de personnes, dont des acteurs du mouvement associatif et des enseignants, les auteurs expliquent que ce livre trouve son origine dans le décalage qu’ils ressentent entre leur expérience de professeur en Seine-Saint-Denis et l’image que donnent les médias des problèmes de l’école. Là où ils observent pauvreté, très grande précarité, manque de moyens rudimentaires, on évoque atteinte à la laïcité, radicalisation, problèmes religieux. Parallèlement, ayant vécu des expériences de conflits sur le port du voile, qui ont duré et qui ont poussé des jeunes filles à quitter le collège ou le lycée et, étant sollicités dans la phase de dialogue avec les jeunes filles qui sont sous menace d’exclusion, ils se sont interrogés sur les conséquences de la loi de 2004.
Refusant les interprétations hâtives, cherchant le dialogue, ne pouvant se contenter d’a priori, ils ont réussi à dénouer des crises, lever des crispations, résoudre des conflits, là où d’autres peut-être auraient provoqué rupture, blocage et rejet. Fervents défenseurs de la laïcité, ils ont voulu, s’appuyant sur leur expérience, transmettre cette notion dans toute sa richesse, et donner quelques clés pour avancer dans la résolution de l’incompréhension, génératrice de conflits et inhérente aux différences culturelles.
Un exemple parmi bien d’autres illustre cette approche. L’un des auteurs raconte : « Au cours d’une sortie scolaire à Sète, avec une classe de 4ème, le dernier jour on doit aller visiter le cimetière marin, sur une colline qui fait face à la mer, là où sont enterrés Jean Vilar, Paul Valéry. Alors que les élèves étaient tous enthousiastes par rapport à toutes les autres activités, au moment où on approche du cimetière, ils se ferment, manifestent de la mauvaise volonté, et finalement refusent de rentrer. » Le professeur commence vraiment à s’énerver. Il ne comprend pas la raison de ce refus. Puis renonçant à la sortie, il ramène les élèves au centre d’hébergement, où il initie une discussion autour de la situation. Il s’avère que ces élèves estimaient que c’était un manque de respect dû aux morts que de rentrer dans un cimetière pour une visite. Il est clair que beaucoup d’enseignants auraient pu réagir de façon plus brutale et auraient voulu faire preuve d’autorité, voire d’autoritarisme pour contraindre ces élèves à effectuer la visite prévue depuis longtemps. Cela n’a pas été le choix de ces enseignants qui ont préféré taire leur propre frustration liée à l’abandon de leur projet, partir de la préoccupation des élèves, et les amener à comprendre que le respect dû aux morts n’était pas incompatible avec une simple visite.
Revenir à 1905
Pour mieux comprendre la laïcité, ils sont revenus à la loi de 1905, aux nombreux débats auxquels elle a donné lieu au moment de son élaboration, mettant bien en perspective le but recherché à l’époque, l’émancipation de l’Église catholique. En effet, dans les trente années qui ont précédé la loi, la version de la laïcité qui a prédominé, est celle pour qui l’État devait être au service de l’athéisme, et mettre à bas les religions. Mais finalement, un certain nombre de Républicains, désireux de venir à bout de l’emprise sur l’État de l’Église catholique en tant qu’institution, a compris que « ce n’est pas en allant traquer la religion dans le cœur de chaque petit écolier français qu’on allait faire advenir ce projet politique. » Que, par ailleurs, l’énergie et le temps déployés le seraient aux dépens de la construction de la République sociale. Et une des auteures du Petit manuel de conclure : « Le combat de la laïcité était important mais ce n’était pas celui de l’athéisme, ce n’était pas celui de la guerre aux religions. Ils vont faire de la politique, inventer ce compromis qui va permettre l’adhésion. » Et elle ajoute « [la loi de 1905] est une loi qui porte sur l’État qui doit être neutre, c’est l’État c’est pas le public, c’est pas l’espace public qui doit être neutre. » En effet comme le CEL (Cercle des enseignants laïques) le rappelle, « le débat sur la soutane qui a existé en 1905, a été résolu en arguant que ce n’est pas à l’État de statuer sur la signification religieuse de la soutane, parce que, justement, c’est un état laïque. Il ne se mêle pas de théologie et il est garant de la liberté de chaque citoyen de pouvoir se promener dans la rue avec les signes d’appartenance qui sont les siens. La loi de 2004, elle, ne va pas dans le même sens. »
De la neutralité de l’État à celle des usagers
Alors, comment expliquer ce glissement ? Comment est-on passé de la neutralité des fonctionnaires à celle des usagers du service public et en l’occurrence celle des élèves des établissements publics ? Il faut remonter aux années 80. Le projet de loi Savary (1984) qui voulait créer un grand service public d’enseignement a provoqué une opposition si vive de la droite, favorable à un financement par l’État des écoles privées, que le projet a été abandonné.
Peu après, les attentats des années 80 puis, la guerre civile en Algérie, la fatwa lancée contre Salman Rushdie, l’affaire de Creil en 89 qui a vu l’exclusion du collège par le principal de trois jeunes filles voilées, ont fait se déplacer le clivage droite-gauche sur le financement de l’école privée vers un clivage qui va porter sur la question du signe religieux à l’école.
Le conseil d’État, saisi par Lionel Jospin, va publier un avis qui précise que le port de signes religieux n’est pas en soi une atteinte à la laïcité. « Pour que le port d’un signe religieux soit une atteinte à la laïcité il faut qu’à cela s’ajoute, soit un comportement prosélyte, soit une visée ostentatoire qui vise en fait à faire pression sur les autres élèves ou à imposer une religion, à convaincre. Le Conseil d’État va donner des avis qui correspondront à cette position, c’est à dire, appuyer des exclusions pour des jeunes filles qui auront, par exemple, refusé des cours d’E.P.S. au nom de leur religion, mais s’opposer, ou revenir sur des décisions qui auront été prises par le conseil de discipline, d’exclusion de jeunes filles, simplement parce qu’elles porteraient le voile alors qu’elles n’ont pas eu de comportement prosélyte ou ostentatoire. »
La place de l’Islam dans les années 1990 va arriver au centre de ce débat sur la laïcité du fait du contexte internationale, exacerbé par les attentats du 11 septembre 2001. Suite à un rapport de François Baroin, la commission Stasi va donner un avis plutôt favorable à une législation sur les signes religieux, puis une commission parlementaire va mettre en place la loi de 2004 en mars, avec une circulaire d’application en mai. Cette loi a pour effet d’interdire le port de signes religieux à l’école mais pas de tous les signes religieux. Elle va interdire les signes religieux ostensibles et ostentatoires, c’est-à-dire qui sont considérés comme prosélytes, qui cherchent à convaincre. Ces signes religieux sont la kippa, le voile islamique et la croix de trop grande taille. « Le problème c’est que les signes discrets étant acceptés, ce sont les représentants de l’État qui doivent interpréter ce qu’est un signe religieux ou pas, ce qui est un signe discret ou pas, et qu’ils peuvent ajouter d’autres signes aux trois mentionnés. »
Un bilan incomplet
Quelles ont été les conséquences de cette loi ? Les auteur-e-s du Petit manuel ne cachent pas le fait qu’ils considèrent que la loi de 2004 n’est pas une bonne loi pour les raisons suivantes : même s’il semble que depuis la loi il y a eu moins d’exclusions, le bilan ne tient pas compte du fait que des élèves ont pu se désinscrire sans pour autant être exclues [1]. Il ne tient pas compte des conflits qui ont perduré portant sur les signes autres que le voile islamique, tels que la jupe, le bandeau, ni de la violence symbolique exercée sur les jeunes filles à qui on demande de retirer leur voile. Mais
le programme de 4ème et de terminale permet aux enseignants de transmettre aux élèves l’idée que la laïcité est en débat, en s’appuyant sur ceux qui ont eu lieu en 1905, ceux qui ont été publiés dans le cadre de la commission Stasi avant la loi de 2004 mais aussi dans d’autres rapports. Enfin, ajoutent-ils « on peut montrer comment cette laïcité s’applique à l’étranger. »
Une grande absente, la formation des enseignants
La démarche de ces enseignants consiste à aborder les choses de façon à trouver des formes qui favorisent le dialogue et l’expression des élèves. Mais ils regrettent que trop peu ne soit fait au niveau de la formation des jeunes enseignants « qui sont mis dans une position plutôt craintive » du fait qu’ils sont dans l’ignorance de ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire. Les instructions officielles vont dans le bon sens, mais la mise en application est une autre affaire. « Les collègues, en particulier les jeunes, avouent qu’ils ne veulent pas évoquer les questions religieuses en classe parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils ont le droit de dire ou de faire. Un professeur responsable de cette formation, avouait lui-même qu’il n’y connaissait rien. S’il y a une objection religieuse dans la classe, un professeur doit savoir répondre par le dialogue. Face à un élève qui réfute l’évolution avec l’argument que c’est Dieu qui a créé le monde, il ne s’agit pas de lui dire qu’il a tort, que peut-être sa religion dit cela mais c’est la science qui dit vrai . Distinguer le croire et le savoir c’est ce qu’on nous demande de faire. Mais une fois qu’on a dit ça en théorie, en pratique comment fait-on ? »
Le Petit manuel comporte une partie pratique qui donne justement des outils pour répondre à ce type de question.
Une femme dans l’assistance remarque que ce n’était pas seulement la droite qui avait demandé la loi, que la commission Stasi, appuyée par le rapport Aubin ont montré qu’il y avait une vraie demande des chefs d’établissement et qu’au bout du compte il y a eu peu d’exclusions depuis que la loi a été votée.
Dépasser les malentendus
Un homme dans la salle prend la parole pour souligner qu’une enquête récente du Conseil national de l’évaluation du système scolaire confirme l’ampleur des inégalités scolaires dans le système éducatif français. Il évoque un collectif créé en 2003 dont l’idée était de trouver les bases d’une réponse qui ne soit ni communautariste ni communautaire à la loi qui arrivait. Ce collectif avait rassemblé des personnes qui ne s’étaient jamais encore rencontrées. « Aujourd’hui ça devient naturel que des personnes d’origine différente, de culture différente, de religion différente ou pas, se rencontrent. Mais en 2003 mettre autour d’une table des militants d’extrême gauche, de gauche, parfois du centre et des musulmans, je peux vous garantir que c’était une première … il y a eu un commun accord. On est rentrés dans cette réunion et le soir on est sortis différents. Parce que nous étions vraiment sur la base d’une rencontre fraternelle, même si on était divisés sur certains points. »
Il fait également état de « dégâts collatéraux » : « en plus de ce que les jeunes filles subissent, si l’on en croit les responsables des services médico-sociaux, il y a d’autres dégâts collatéraux qui portent sur les mamans et les sorties scolaires et qui a donné naissance au collectif « Mamans toutes égales »puisque certains établissements ne permettaient pas aux mères voilées d’accompagner les sorties.»
Un autre intervenant revient sur le non-respect de la loi par l’équipe pédagogique et raconte les reproches dont une amie prof a été l’objet dans la salle des professeurs après une sortie avec ses élèves de terminale à Sciences Po dont elle n’a pas exclu une élève qui avait tenu à porter son voile dans la rue, mais qui, en conformité avec la loi, l’avait retiré à l’intérieur de Sciences Po. Il rajoute qu’il a « beaucoup travaillé sur l’interculturalité. L’important c’est de dépasser les malentendus et petit à petit on arrive à faire venir les parents à l’école. »
Une femme dans l’assistance prend la parole : « Vous expliquez réellement ce qu’est la laïcité, les différents espaces publics, est-ce que vous ne craignez pas que ça ranime une certaine animosité vis-à-vis des institutions ? Déjà qu’ils rejettent ces institutions ? Personnellement j’interviens dans les établissements scolaires et quelquefois je me demande ce que je vais répandre. Déjà, excusez moi le terme, qu’ils ont de la haine… est-ce que vous ne craignez pas qu’il y ait une réaction tout à fait contraire ? »
Une liberté qui protège
La réponse d’une des auteur-e-s est claire :
« J’enseigne la laïcité, pas mon point de vue sur la laïcité, du coup je suis tout à fait capable de justifier la loi de 2004 et en tout cas de donner aux élèves les arguments qui ont conduit à la mise en place de cette loi. J’estime qu’en tant qu’enseignante c’est mon travail. Je ne veux pas me contenter de ne donner que la vision que je souhaite. Je pense que réfléchir et leur donner toutes les clés, et leur dire qu’il y a des points de vue différents, qui peuvent s’exprimer et s’enseigner à l’école et qu’on peut en discuter, c’est plutôt créer un cadre qui leur montre qu’il y a une liberté. D’accord, il y a un cadre juridique que je rappelle, un cadre auquel ils sont astreints, mais en même temps ce cadre-là protège. L’État protège et les arrêtés anti-burkini sont rejetés. C’est important pour les élèves de l’entendre… j’ai l’impression que tous ces débats-là font systématiquement descendre la pression. En fait c’est très rare qu’on trouve des gamins montant dans les cours après avoir discuté, parce que ça met des mots sur ce qu’ils vivent. Comprendre pour les gamines qui sont voilées, qui disent qu’on les regarde de travers quand elles vont marcher dans les rues de Paris, quand on leur explique pourquoi, d’où ça vient etc., on continue à les regarder mal, mais au moins elles comprennent mieux ce qui leur arrive. Pour un ado, pour n’importe qui, ce n’est pas une source de consolation, mais c’est une source d’apaisement. »
Une autre ajoute : « On peut montrer qu’il y a un ordre judiciaire et qu’ils peuvent y avoir accès, qu’il y a des possibilités, qu’il y a un recours, et que la Cour européenne des droits de l’homme, ça existe … On est aussi une partie de cette autorité de l’État en étant prof et ils voient très bien qu’on a des sensibilités différentes, qu’on évolue différemment dans ce cadre. Mais, rappelle-t-elle, la loi aussi représente une force de protection contre les institutions religieuses. Celles-ci peuvent essayer d’influencer un État. (cf. la manif pour tous). On a des forces religieuses qui estiment qu’elles ont une emprise sur la loi qui serait supérieure à d’autres formes d’expression citoyennes à d’autre force d’expression démocratique. Pour faire exister un pouvoir laïque ça a été un combat de deux siècles et il n’est jamais gagné. »
Le troisième remarque que « les manquements à la laïcité sont parfois au cœur de l’État et toute cette vigilance qui a été une vigilance de la gauche traditionnelle a été complètement perdue au profit d’un débat laïque réduit à la question de savoir comment sont habillées des gamines musulmanes ou perçues comme telles, dans des établissements de banlieues, et tout le reste passe à la trappe. »
Quelqu’un dans la salle estime qu’il ne faut pas voir la laïcité comme une contrainte, que « l’histoire montre qu’elle s’est construite pendant des centaines d’années pour libérer [la société] justement de l’emprise de l’Église catholique qui avait la mainmise sur l’état civil, le travail, l’éducation. Alors aujourd’hui la laïcité revient parce qu’il y a une deuxième religion à côté de la religion catholique qui est la religion musulmane et c’est normal qu’il y ait des discussions. Il faut expliquer que la laïcité a pu libérer et faire place à la femme dans la société. »
Une loi qui exclut les femmes
Un prof renchérit et souligne « cette belle laïcité de liberté qui permet le vivre ensemble, qui donne un espace public au citoyen et lui permet de vivre sa religion dans l’espace public » mais il ajoute que « la notion de laïcité est à géométrie variable et vous pouvez recevoir un PowerPoint (document numérique) signalant que la longue jupe d’une élève, la fatigue d’un autre ou la barbichette d’un troisième sont des signes de radicalisation. » Cette façon de traiter le fait religieux l’inquiète. Il regrette qu’après le remarquable travail des auteurs de la loi de 1905 on en soit aujourd’hui à mesurer la longueur d’une jupe ou d’un foulard et il rajoute que père de trois filles il craint que celles-ci partent à l’étranger : « Il y a des statistiques qui font très peur, beaucoup de femmes musulmanes qui réussissent qui font leur master hors la France c’est de la matière grise qui quitte le pays. »
Un autre contributeur au débat remarque qu’en plus de la circulaire Chatel de mars 2012, qui permet aux chefs d’établissement d’exclure des mamans voilées des sorties scolaires, il y a une inégalité entre les mamans en fonction du lieu où elles habitent, et qu’il y a « un règlement intérieur qui est voté au début d’année au premier conseil d’école précisant que lors des sorties scolaires les parents sont assimilés au personnel de l’Éducation Nationale ». Il cite le cas de la femme d’un ami qui siégeant au conseil d’école a dû refuser de voter le règlement intérieur parce qu’il permettait d’exclure les mamans sans se référer à la circulaire. Aussi en appelle-il à la vigilance.
Quelqu’un aimerait savoir si le signe ostentatoire est juridiquement défini dans la loi dans la mesure où on est obligé dans les circulaires de citer nommément le voile islamique la kippa et la croix de pas trop grande taille. Il remarque aussi qu’il a eu du mal étant en Angleterre au moment du passage de la loi de 2004 à faire comprendre la laïcité à la française. Pourquoi donc cette neutralité de l’État? Il comprend cependant que la loi qui vaut pour le collège et le lycée s’appuie sur le fait que les enfants sont influençables. Mais au delà et notamment à l’université, cet argument ne peut plus valoir et donc il ne voit pas comment on pourrait interdire le voile.
Un des auteurs du Petit manuel reprend : « Mon souhait, mon vœu le plus cher, c’est qu’on arrête enfin de parler des tenues des élèves. J’ai enseigné pendant dix ans dans une salle de classe où il pleuvait, avec des ordinateurs qui ne marchaient pas, quand j’ai eu des problèmes de dos, pour être remplacé j’ai été absent pendant trois mois, ça a été la croix et la galère, mes élèves n’ont pas eu cours de français pendant trois mois alors que j’avais des élèves de troisièmes qui passaient le brevet des collèges à la fin de l’année, ce qui fait qu’au bout d’un moment, savoir ce que portent mes élèves, savoir que c’est l’enjeu principal me pose un souci. »
Manquements à la laïcité
Avant de clore le débat, les auteurs tiennent à souligner qu’effectivement la loi de 2004 dans son application n’a concerné que les jeunes filles au nom de leur émancipation et note la contradiction dans les termes : émanciper en excluant. Ils émettent une nuance sur le fait que les lois laïques de la 3ème République ont apporté des droits aux femmes : elles n’avaient pas le droit de vote et ne l’ont eu qu’en 1944. Mais leur attachement à cette loi de 1905 tient à sa force de protection contre les institutions religieuses « qui peuvent essayer d’influencer un état, comme il y a quinze jours avec « la manif pour tous » [2]. L’abandon de la PMA pour les couples de femmes, une promesse socialiste, a été directement annoncé par Manuel Valls depuis le Vatican, sans que, bizarrement personne ne réagisse en hurlant à l’atteinte à la laïcité. Et le retrait de l’ABCD de l’égalité, c’est la première fois, depuis cent ans, que des lobbies religieux ont dicté les programmes de l’école. Mais il y a également la présence d’entreprises privées au sein de l’Éducation nationale, le partenariat exclusif avec Microsoft, la publicité pour les produits laitiers dans les cantines. Pour en revenir sur le fait que la demande de loi venait en partie du corps enseignant, c’est vrai, mais les choses évoluent, il y a des collègues qui avancent sur ces questions et celles-ci ne se posent pas de la même façon selon la génération à laquelle on appartient. »
Mettre en valeur les actions positives
Aline Archimbaud, qui a été à l’initiative de l’Observatoire de la fraternité dans le 93, intervient pour saluer le travail de ces enseignants : « On est dans un pays où malheureusement les idées de repli sur soi, de peur, de stigmatisation, de confusion entre religion musulmane et culture musulmane tout simplement et terrorisme font des dégâts énormes dans les esprits, cette stigmatisation par le haut des femmes qui portent le voile, qui a lieu sans même qu’on se pose la question de savoir pourquoi elles le portent, pas forcément parce qu’elles sont obligées, mais parce que c’est leur choix. »
Elle ajoute que leur pratique du dialogue là où les esprits se ferment, leur savoir-faire, sont autant d’actions positives . Ce qu’ils disent sur la formation des enseignants rejoint ce que disait Fethy Benslama qui insistait sur l’enjeu énorme que représente la formation des médecins, des enseignants, des associatifs dans la société civile pour faire vivre le « Vivre ensemble ». L’Observatoire de la fraternité, doit pouvoir les aider, conformément à leur souhait, à mettre en valeur ces actions et à les démultiplier.
Malou Combes
1. Des élèves sous menace d’exclusions ont pu décider de quitter le collège ou le lycée de leur propre gré, rendant inutile la convocation d’un conseil de discipline qui lui aurait pu prononcer l’exclusion. De ce fait, leur départ n’est pas comptabilisé dans les exclusions.
2. Allusion à la manif pour tous du 16 octobre 2016 qui dénonçait la PMA et la GPA dont on a cru devoir attribuer une bonne partie des troupes à des catholiques qui avaient manifesté en nombre contre la loi Taubira sur le mariage pour tous.
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