Les grandes profondeurs, celles qui sont à la fois loin des côtes et à plusieurs milliers de profondeurs, apparaissent pour nous, non spécialistes en biologie marine et en bryozoaires (n’allez pas farfouiller dans le dictionnaire, il s’agit de petits organismes marins vivant en colonies) comme un monde mystérieux et a priori inconnu… Or, il n’en est rien! Car l’épuisement des zones de pêche, la sophistication croissante des instruments de mesure et d’exploration scientifique, souvent la pression des puissances industrielles, ont conduit ces dernières années à « investir » dans la connaissance de ce monde du silence. Et surprise… des gisements de cuivre, de manganèse, de cobalt ont été identifiés sur les dorsales océaniques; de la même façon, ont été découvertes des bactéries, telles que les bryozoaires, qui se révèlent être de puissants anti-cancéreux. Il apparait ainsi que ces fonds sont très riches en ressources génétiques, en raison des conditions particulières de ce milieu: absence de lumière, existence de très hautes pressions. Il en résulte des enjeux énormes notamment pour l’industrie agro-alimentaire ou pour le secteur cosmétique. Est – ce une bonne nouvelle ? Non pour nous qui nous interrogeons sur l’épuisement des ressources terrestres dû à la gloutonnerie de l’économie capitaliste ! De fait, l’intensification en cours de ces recherches pose un problème politique et juridique redoutable : en effet, juridiquement, la haute mer n’appartient à personne, ni aux États, ni aux organismes internationaux de contrôle. La convention internationale sur les droits de la mer de 1982, objet d’âpres négociations, instaure des règles (quotas de pêche, pouvoir par chaque État côtier sur le fond marin, le sous-sol) jusqu’à 200 milles nautiques (un mille nautique représente presque 2 km) mais au-delà de cette distance, il n’y aucun contrainte ! Se pose donc aujourd’hui la question de la protection et du partage de cette richesse naturelle. Et le temps joue contre les intérêts de l’Humanité. Car déjà, des entreprises travaillent pour mettre au point des engins capables « d’extirper » ces richesses à 3000 mètres de profondeur.
Alors, bien sûr, on peut rêver, s’émerveiller aussi devant cette forme de vie dans les plaines abyssales… Mais on doit aussi s’inquiéter, s’interroger, car pour ces molécules qui commencent à être identifiées et qui n’appartiennent à personne, comment répartir les bénéfices tirés ? Plus en amont, comment « encadrer » l’exploitation et pour quelle finalité? L’heure des négociations est ouverte à l’ONU et a commencé à New York en mars dernier. Ces négociations, où dominent les États – Unis, le Japon et l’Allemagne, se sont fixé une échéance pour signer un accord « juridiquement contraignant » en 2025. D’ici là, ces fonds, qui représentent 50% de la surface de la planète, continueront d’être explorés pour le meilleur … et pour le pire.
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