Un voyage en novembre 2015 au cœur de la solidarité : à Athènes, la visite d’un centre de réfugiés, organisée par le SMG (Syndicat de la Médecine Générale) et l’USP ( Union Syndicale de la Psychiatrie)
C’est en taxi que nous rejoignons à la tombée du jour le centre de réfugiés installé dans la ville de Galatsi à la périphérie d’Athènes sur le site du village Olympique, où se déploie le dôme que le soleil illumine de ses derniers rayons. Au pied de l’élégante structure se rassemblent des groupes de réfugiés, beaucoup de jeunes, des adolescents, des familles… Notre guide, Sophia, une pharmacienne bénévole d’Athènes, nous rejoint à l’entrée… Ce lieu d’accueil a été ouvert il y a un mois nous dit-elle.
C’est manifestement l’heure du dîner et des queues se forment devant des guichets où on distribue les plats. Nous apprenons que le chef-cuisinier qui veille à leur préparation avait perdu son emploi au début de la crise. Alors il a pris l’initiative de préparer des repas dans un quartier d’Athènes particulièrement touché. Il s’est mis en contact avec des supermarchés, des petites épiceries, des boulangeries et après avoir préparé les repas avec des habitants du quartier qui participent, ils les distribuent et se mettent tous ensemble autour de la même table. Et ici c’est lui qui offre le repas du soir.
Nous avançons vers l’entrée du bâtiment principal. L’adjoint au maire s’approche de nous, pour nous souhaiter la bienvenue. L’un d’entre nous est prêt à prendre une photo mais il l’interrompt en précisant que nous pouvons prendre des photos des bâtiments mais pas des personnes qui s’y trouvent. « C’est pour les protéger, par respect. » tient-il à préciser. Les files pour prendre les repas s’allongent. Sur des cordes à linge improvisées, des vêtements fraîchement lavés sèchent au vent. Le calme règne dans ce vaste espace. Des enfants courent dans tous les sens. Nous passons une porte, montons des escaliers. Sur le palier, ça et là, des lits de fortune. Nous suivons notre guide qui nous conduit au dispensaire, où elle assure une permanence quotidienne en fin d’après midi. Dans un coin de l’immense salle transformée en salle de soins polyvalente, une table d’examen à l’abri des regards derrière un paravent. Derrière une cloison vitrée, la pharmacie, et un cabinet dentaire.
Quelques lits, des couvertures, une table sur laquelle ont été posés des vêtements, des chaussures de toute taille, plus loin des montagnes de bouteilles de lait… un réfrigérateur, une bouilloire, une plaque chauffante.
Nous apprenons par Sophia que les réfugiés arrivent et restent rarement plus de 24 heures ou 48 heures. Mais s’ils veulent rester une semaine ou davantage ils le peuvent. Ils viennent ici pour manger, se soigner, se laver, trouver des vêtements secs, juste le temps de se poser et d’aller dans le centre ville dans une agence de la Western union pour retirer l’argent qui leur est envoyé par leur famille.
L’instrument le plus important pour eux, leur premier repère, est leur téléphone portable, qui leur permet d’assurer le contact avec un passeur, avec leur famille… Beaucoup arrivent des îles où ils ont accosté avant d’arriver jusqu’ici. C’est grâce à internet qu’ils ont pris connaissance de ce lieu d’accueil ou en Turquie, voire même seulement à Victoria square au centre d’Athènes. De temps en temps un couple avec un bébé pousse la porte de la salle pour chauffer un biberon ou préparer une boisson chaude.
Le maire adjoint nous explique que le centre est ouvert 24 heures sur 24. Ils arrivent, ils partent, il n’y a pas d’inscription : « les réfugiés souhaitent rejoindre l’Autriche, la Belgique, l’Allemagne, les Pays Bas, la Suède ou la Norvège, rarement la France ou l’Italie. Ils peuvent bien sûr demander l’asile ici mais, précise-t-il, ils ne sont pas stupides et ne le font pas parce que ce qu’ils veulent c’est « trouver du travail et gagner de l’argent ! »
« Le centre fonctionne grâce à la présence quotidienne de 60 à cent bénévoles tous les jours qui assurent la préparation des repas, la distribution des vêtements, la délivrance de médicaments et de soins. Petits- déjeuners et repas de midi sont fournis par l’armée grecque. Le dîner en revanche est cuisiné ici. Mille cinq cents repas sont préparés. Des Églises aident également. Ni l’Europe, ni le gouvernement ne donnent de l’argent. Ce sont les citoyens de Galatsi qui fournissent le plus … et nous ne manquons de rien. Il y a ici de 250 à 1750 personnes qui arrivent tous les jours et aux besoins desquelles nous pourvoyons. Nous sommes un camp de secours, non un camp officiel d’État. Le matin de nombreux médecins, pédiatres, orthopédistes, dentistes, ophtalmologistes, ainsi que des infirmières, tous bénévoles, assurent des permanences. Des infirmières restent la nuit si nécessaire. »
Le maire-adjoint, qui est aussi médecin, rajoute : « Je suis ici pour aider ces gens. Je passe 20 heures par jour ici , ensuite je rentre chez moi où je dors trois heures ! »
Nous l’interrogeons sur les réactions des gens de la ville : « Au début c’était un très grand problème. C’est la même chose partout même chez vous en France, mais j’ai expliqué aux habitants que ces réfugiés sont très aimables. Ils nous remercient sans arrêt. Ils ne volent pas contrairement à ce que les gens pensent. Peu à peu ils finissent par comprendre que ce sont des gens comme eux… »
« Certains sont porteurs de maladies graves. Ils ont des maladies qu’ils apportent avec eux et ils voyagent avec leur maladie. Nous devons les soigner. Ce mois-ci j’ai envoyé plus de 150 personnes à l’hôpital en ambulance. Ils acceptent de se faire examiner, de se faire soigner. Mais ils veulent partir. Ils disent au docteur qu’ils doivent partir le lendemain. On fait ce qu’on peut. »
A notre grande surprise nous apprenons que le centre va fermer dans quelques jours.
« On ne peut pas faire payer le poids de l’accueil à une seule ville. Une autre ville doit prendre le relais. Le ministre nous a dit qu’on devait continuer quelques jours de plus. Mais je ne peux rester beaucoup plus, j’ai mon travail à assurer. »
Puis il devient plus insistant : « Nous devons les aider, c’est nous qui avons créé ce problème, vous et moi… Arrêtons de détruire les pays d’où viennent ces réfugiés, arrêtons les guerres qui sont la cause de la venue de ces réfugiés ! Quand vous entendez qu’il y a deux millions de gens qui attendent sur la côte turque pour venir ici en Europe… C’est un problème dont on n’a pas encore pris la mesure.
Il y a un camp d’État à Éleonas, qui reçoit des Syriens. C’est très différent, c’est bien plus facile pour eux parce qu’ils ont un passeport. Ils peuvent prendre l’avion, le bus, n’importe quel moyen de transport. Ce n’est pas le cas des Afghans. Ils n’ont pas de passeports , seulement un papier. Ici nous ne recevons que des Afghans.
Toutes les frontières européennes sont fermées. Mais ils se débrouillent pour passer par d’autres pays, la Bulgarie, la Macédoine. La frontière est encore ouverte aujourd’hui mais peut être que dans deux jours ou deux mois elle sera fermée.
Le gouvernement doit créer des camps d’État… »
Notre entretien est interrompu par Sophia, la pharmacienne, qui vient nous demander si l’un d’entre nous peut venir examiner un bébé … Une mère est inquiète de voir le visage de son nourrisson couvert de boutons … L’enfant est né à Istanbul à l’hôpital au cours de ce long périple depuis l’Afghanistan. Il n’a que 20 jours. Il n’a aucun autre symptôme. Nos pédiatres ont vite fait de rassurer sa mère par l’intermédiaire du traducteur afghan. Puis une autre mère arrive avec un enfant qui a de la fièvre. Il est tombé deux fois du bateau qui les a transportés jusqu’à l’île de Lesbos au large de la Turquie.
La nuit est tombée, nous quittons le centre, des cohortes de réfugiés font de même, sac au dos, parents avec enfants de tous âges, jeunes adolescents par groupe de deux ou trois, ils avancent dans la nuit, d’un pas rapide, ils ont l’air de savoir où ils vont, vers d’autres rendez-vous rejoindre un passeur sans doute… Ils marchent vers la frontière nous dit-on.. Ils n’en disent pas plus, leur détermination les accompagne avec l’espoir d’une vie meilleure.
Malou Combes
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