« Il est temps de ramener l’enseignement de l’arabe à l’école de la République », écrivent Marwan Lahoud [1] et Hakim El Karoui [2] dans Le Monde daté du 26 mai 2016. Considérant que la méconnaissance de la culture d’origine de leurs parents est une des causes qui favorisent l’emprise des promoteurs de l’idéologie terroriste sur certains jeunes français, les auteurs de l’article estiment que l’école de la République est la plus indiquée pour la leur transmettre. Ils soulignent l’insuffisance de l’offre de cours d’arabe dans les collèges où seulement 8000 élèves suivent cet enseignement alors que celle-ci est de 50 000 dans le primaire. Pourtant la demande de cet apprentissage est très forte puisque 60 000 jeunes français apprennent l’arabe dans les mosquées, les associations ou les lieux cultuels.
Selon les auteurs, ces lieux dans leur majorité ne sont pas des lieux de radicalisation, mais, ne disposant pas de manuels français, on y apprend la langue avec les livres dans lesquels les valeurs transmises sont celles des pays maghrébins et de la Turquie, pas forcément les mêmes que celles de la République, et, ce qui ne surprendra personne, « l’enseignement de l’arabe dans les mosquées favorise le prosélytisme, alors que l’arabe est une langue bien vivante qui existe indépendamment du Coran ». Ils concluent en remarquant qu’en n’assumant pas l’enseignement de l’arabe la République envoie ses enfants dans les mosquées.
La volonté de permettre aux élèves l’accès à des cours d’arabe à tous les niveaux dans le cadre de l’École publique avec un regard sur l’enseignement dispensé, avait été manifestée en son temps par Vincent Peillon avant de l’être par Najat Vallaud-Belkacem. La ministre a réaffirmé ces jours-ci, l’introduction possible de l’enseignement de l’arabe dès le CP. Elle a également confirmé la décision de transformer les ELCO [3], ce dispositif qui permettait aux enfants d’immigrés de recevoir un enseignement de la langue et de la culture de leurs parents, en « cours de langues vivantes étrangères ». Ce qui veut dire que l’enseignement de ces langues, dont l’arabe littéral, au même titre que l’anglais, l’allemand ou le chinois, serait ouvert à tous les élèves et prodigué dans le cadre de l’École laïque. Le programme et l’évaluation seraient fournis et assurés par l’Éducation nationale. Et les enseignants seraient soumis à l’inspection et feraient partie intégrante de l’équipe pédagogique [4]. Ainsi, comme ces autres langues, l’arabe littéral aurait le statut de langue internationale et non plus celui de langue d’origine.
Cette nouvelle disposition permettra-t-elle de combler le hiatus de l’offre de cours d’arabe entre le primaire et le collège souligné par Marwan Lahoud et Hakim El Karoui ? Et encouragera-t-elle les élèves à poursuivre l’apprentissage de l’arabe dans le giron de l’enseignement public plutôt que dans une mosquée ou une association cultuelle?
Cette mise en œuvre ne sera pas aisée et demandera du temps, des moyens et beaucoup de conviction, mais la volonté de la ministre est là.
[1] Directeur général délégué d’Airbus Group
[2] Ancien conseiller à Matignon et fondateur du Club XXIème siècle
[3] Enseignement de Langue et Culture d’Origine. Créés dans les années 1970, les ELCO permettaient aux enfants d’immigrés de recevoir en dehors des établissements scolaires, un enseignement de la langue et de la culture de leurs parents, dispensé par des professeurs venant des pays d’émigration.
[4] Najat Vallaud-Belkacem sur BFM TV Le 26 mai 2016
Liens utiles
Yahya Cheikh, « L’enseignement de l’arabe en France », Hommes et migrations, 1288 | 2010, 92-103.
URL : http://hommesmigrations.revues.org/870
Lire aussi la tribune de Caroline Tahhan dans Libération du 22 mai : «Loin des clichés, les classes bilangues anglais-arabe».
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