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« Chez nous » : l’extrême-droite ce n’est pas seulement du cinéma

26/03/2017 par François Vescia 1 commentaire

Cela commence comme une enquête sociologique sur la France du Nord déboussolée et cela se poursuit comme un thriller politique italien. Les deux facettes d’un parti populiste, « le bloc patriotique », sont présentées, celle pour l’affiche modeste, simple, avenante et l’autre souterraine, encline à la violence avec des groupes d’intervention, néo-nazis, présents dans les services d’ordre ou exerçant des pressions violentes. Deux facettes de l’extrême-droite ou d’un certain Front national qui s’est vite reconnu.


Le film “Chez nous” a été réalisé par le comédien et réalisateur belge Lucas Belvaux, (La raison du plus faible – 2006, Pas son genre – 2014). Il montre comment un parti du type Front national s’implante dans une région en difficulté, se développe silencieusement sur les souffrances souvent bien réelles des populations, sur les craintes de déclassement, sur la perte de repères rassurants.
Le parti d’extrême-droite dans le film « Chez nous » est dirigé, dans la ville de Hénart (Pas-de-Calais), par un médecin connu de tous, le docteur Berthier, excellemment joué par André Dussolier. Celui-ci est bien introduit dans le cœur parisien du Rassemblement national populaire (RNP) dont la cheffe peroxydée Agnès Dorgelle, jouée par Catherine Jacob, a hérité de son père d’un parti extrémiste qu’elle s’efforce de … dédiaboliser.
Berthier prépare les prochaines municipales. Il cherche la personne rassurante et proche des gens qu’il pourra mettre sur l’affiche électorale au côté d’Agnès Dorgelle.
Il trouve la méritante Pauline Duhez, infirmière libérale jouée par la très convaincante Émilie Dequenne. Elle élève ses enfants seule, s’occupe de son père veuf, malade de l’amiante, et visite au cours de ses longues journées des familles confrontées à la maladie, dans un contexte de déclassement, de disparition des services publics et de grande désorientation. Elle est réticente, dans un premier temps, à s’engager auprès de ce parti extrémiste et a peu de temps dans sa vie. Elle est petit à petit prise en main par la machine politique et électorale du RNP.Elle est ainsi propulsée sur le devant de la scène, y trouve un supplément de vie et côtoie même la star nationale du parti. Utilisée pour sa figure rassurante, elle est pourtant contournée par Berthier pour la rédaction même de sa plateforme de candidate.
Le film bascule après cette première partie « documentaire » dans un thriller haletant, plein de rebondissements, qui m’a fait penser aux films italiens des années 70. Liaisons occultes entre voyous et notables, descente dans les bas-fonds de l’extrême-droite, arrangements des dirigeants politiques avec des « faits alternatifs » pour construire un discours médiatiquement présentable qui masque la violence qu’ils encouragent. L’engrenage est impitoyable pour la gentille infirmière instrumentalisée qui sera forcée de renoncer et qui sera remplacée au pied levé par une autre sur l’affiche.

Le Front national se sent visé

Le film, que la première partie pourrait presque conforter, a provoqué les foudres du Front national ; celui-ci n’y est pas nommé par Lucas Belvaux.
Florian Philippot a crié à la manipulation en période d’élection [1] et Gilbert Collard secrétaire général du Rassemblement bleu Marine a tweeté : « Émules de Goebbels, les productions du système produisent Chez nous, à nos frais, film de propagande anti-FN : rideau ! » [2]. Collard feint d’ignorer que Chez nous n’a pas obtenu l’avance sur recettes ! Peut-être désigne-t-il la contribution symbolique du Conseil régional des Hauts-de-France ? Pourtant, comme le note l’Express : « Le seul argent public, c’est les 150 000 euros de la région Hauts-de-France, décortique David Frenkel, soit 2,80% du total. Sachant qu’on a tourné 40 jours (sur 41) entre Lens, Béthune et Liévin, avec tous les frais que cela nécessite (logements, repas, etc.), je pense que la région a récupéré six à sept fois sa mise » [3].
Dans cette guéguerre des images, des maires ont empêché la diffusion du film. Ainsi le cinéma municipal du Luc-en-Provence, une commune varoise gérée par le Front national, avait prévu de diffuser le film Chez nous, et le maire Pascal Verrelle l’a fait retirer des écrans. Plus surprenant à Saint-Cloud, Éric Berdoati, maire Les Républicains, a fait de même.
Le film touche en effet à plusieurs points qui mettent à mal la volonté de façade de respectabilité du Front national.
Il touche au décalage entre le cynisme de l’appareil frontiste et la sincérité de certains nouveaux engagés. Parti neuf, il dispose de peu de cadres formés. Tant et si bien qu’en cas d’élections, bon nombre de nouveaux élus se trouvent en contradiction avec leurs propres dirigeants. Ainsi, selon Lucas Belvaux dans un entretien à Télérama : « Un décompte récent de l’agence France-Presse a établi que 28% des élus FN aux élections municipales de 2014 ont déjà démissionné; À la fois du parti et de leur mandat. 400 cents élus sur 1500 : c’est considérable » [4].
Et puis il y a aussi les liens avec les groupes violents, hommes de main bastonnant facilement ou cassant de l’immigré. Ces gens-là qui peuvent rendre des services doivent désormais être hors de la photo.

« Chez nous » de Lucas Belvaux © Synecdoche / Artémis Productions

Est-ce que l’extrême-droite c’est forcément les chemises brunes ou les skinheads ?

J’ai juste une réserve sur ce film que je trouve profondément utile, il touche, au-delà du Front national, à l’émergence de ces « nouveaux » courants qu’on appelle souvent populistes parfois néo-fascistes mais qui modernisent les approches des extrêmes-droites. Ce n’est donc pas une objection au film mais à ce qui pourrait être une vision paresseuse de ces reliquats du fascisme.
En France l’extrême-droite dirigée depuis 45 ans par la firme Le Pen s’enracine dans les réseaux de la collaboration et de l’Algérie Française. Des groupes violents tels que le groupe Union Défense (GUD) y sont très influents. On les retrouve très présents dans les structures de détournement d’argent du Front national. C’est l’affaire des kits électoraux surfacturés, le micro-parti Jeanne et les nombreuses pratiques de financement du parti du Front national au détriment des parlements où il a des élus. Les violents se recyclent en trésoriers de confiance. Ils sont donc au cœur de ce parti mais rhabillés pour la photo.
Pour autant l’avenir de l’extrême-droite risque d’être moins dans la caricature facilement détestable de la brute infréquentable. Elle se présentera de plus en plus à l’âge de la démocratie télévisuelle avec des visages « propres », des airs de gendre ou de belle-fille idéaux.
Leurs discours peuvent reprendre les mêmes valeurs de rejet de l’autre, de dénonciation de boucs-émissaires, d’opposition au vivre-ensemble, d’idéalisation d’un passé « entre soi », de solutions simplistes, de détestation de la négociation et du compromis. Mais désormais il faut passer la rampe de l’élection et prétendre jouer le jeu de la démocratie. Il faut conquérir une masse critique de l’électorat, écouter ses peurs, les relayer, faire rêver, utiliser l’actualité immédiate, proposer de donner forme et consistance à des frustrations, de dévoyer des vraies causes et avancer des solutions incantatoires. Ils cristallisent les refus des progrès importants pourtant réalisés par les sociétés occidentales en matière d’égalité homme-femme.
Ils prospèrent en Europe, aux États-Unis et même ailleurs. Ainsi Geert Wilders (PPV) [5] aux Pays-Bas qui a contaminé la droite, même s’il a perdu le 15 mars, ou Norbert Hofe [6], le candidat du parti d’extrême-droite (FPÖ) jusqu’à présent tenu en échec en Autriche.
Ainsi les dirigeants actuels de Pologne et Hongrie où ultra-conservateurs et populistes sont main dans la main au pouvoir, et ne se distinguent plus les uns des autres.
Ainsi Trump qui a triomphé sur une séduction idéologique d’abord puis est arrivé à emmener l’ensemble du Parti Républicain et le Tea Party. Les groupes violents de l’Alt-Right [7] et du Ku Klux Klan [8] se sont reconnus en lui, se sont mis à son service et sont au pouvoir à Washington.

Une autre réponse au désarroi, bien …. de chez nous !

Il faudra beaucoup de courage politique, de réponse des aux inégalités croissantes pour assécher ces tentations régressives qui rendent disponibles des pans entiers de la société à ces nouveaux discours d’exclusion et de la peur.
Il faudra beaucoup d’imagination, de solidarité et d’amitié pour enrayer cette course folle vers de nouvelles catastrophes. Les forces conservatrices de nos sociétés ne sont-elles pas en train d’y succomber, d’en reprendre les thématiques et de renoncer petit à petit à tout cordon sanitaire ?
On pourra dénoncer, tel Patrick Bucheron  dans sa leçon inaugurale d’histoire au Collège de France en décembre 2015,

« ceux qui flattent de leur désespérance en tenant boutique de nos désarrois, ceux qui s’agitent et s’enivrent aux vapeurs faciles de l’idée de déclin, ceux qui méprisent l’école au nom des illusions qu’ils s’en font, tous ceux qui, finalement, répugnent à l’existence même d’une intelligence collective ».

Et comme lui répondre avec Victor Hugo :

« Tenter, braver, persister, persévérer, être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l’exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise. »

François Vescia


1. »Chez nous« , film sur l’extrême-droite, voir la bande annonce sur le site de France info
2. Dans Télérama du 13 février 2017, Lucas Belvaux : “ »Chez nous » s’adresse à ceux qui ont l’impression d’avoir été trahis, et qui sont en colère”
3. Dans l’Express du 4 janvier 2017, « Chez nous« , le film qui hérisse le FN, n’a que peu de financements publics
4. Dans Télérama du 13 février 2017 https://generation-a-generations.net/portfolio/ce-que-peut-lhistoire/
5. Geert Wilders sur Wikipedia   :  Parti pour la liberté (Partij voor de Vrijheid, PVV)
6. Norbert Hofer sur Wikipedia  :  Parti de la liberté d’Autriche (Freiheitliche Partei Österreichs, FPÖ)
7. L’alt-droite ou la droite alternative américaine (en anglais « Alt-right », abréviation d’alternative right) est une mouvance de droite nativiste, suprémaciste blanche, sexiste, antisémite, conspirationniste, opposée à l’immigration et au melting-pot intégrationniste. L’alt-droite est également présentée comme un « courant réactionnaire » du Parti républicain. Elle est accusée, sous couvert de nationalisme blanc, de réhabiliter l’idéologie de la mouvance néonazie (wikipedia)
8. Ku klux klan organisation suprématiste blanche dont est issu le candidat  républicain au siège de sénateur de Louisiane David Duke qui nie l’holocauste

 


Pour en savoir plus

Un outil pour suivre l’activité des parlementaires

https://www.regardscitoyens.org/nosdeputes-fr/

Le collectif Regards Citoyens est une association qui propose un accès simplifié au fonctionnement de nos institutions démocratiques à partir des informations publiques.

  • Ainsi Marion-Maréchal Le Pen a été présente seulement 19 semaines depuis un an (parmi les 20% les moins assidu-e-s sur tous les indicateurs de présence, de commission, d’intervention ). 0 rapport écrit.

http://www.nosdeputes.fr/marion-marechal-le-pen

  • Gilbert Collard à peine plus assidu

http://www.nosdeputes.fr/gilbert-collard

 

La fiche Wikipedia de Lucas Belvaux

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucas_Belvaux

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Classé sous :Démocratie en question Balisé avec :Extrémisme

Commentaires

  1. David Wynot dit

    26/03/2017 à 17:01

    Mais François, les anciens du GUD font la com de Fillon et parmi ses fidèles soutiens on trouve Gérard Longuet, ex idéologue d’Ordre Nouveau ou d’Occident donc le glissement des extrêmes droites vers la droite raisonnable est déjà fait.
    Ah Madelin en soutien de Macron, si on tient le même raisonnement…. C’est moche aussi au Centre.
    David

    Répondre

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