À l’heure où le débat fait rage à propos du désir de certaines femmes noires et maghrébines de se retrouver entre elles pour évoquer les questions spécifiques qui se posent à elles, Gerty Dambury, féministe guadeloupéenne, revient sur une partie de l’histoire de la coordination des Femmes Noires, organisation spécifique au sein du mouvement féministe des années 70.
C’est pour elle l’occasion de mesurer le chemin parcouru en quarante ans et ce qui demeure aujourd’hui des difficultés d’hier, à travers une rencontre avec de jeunes féministes noires.
Ce sont de jeunes femmes noires. Elles m’invitent à l’université Paris VIII et j’ai le cœur qui bat très fort. Je n’ai jamais mis les pieds à la nouvelle université Paris VIII. Pour moi, Paris VIII, ce sera toujours Vincennes, l’université de mes études de langue anglaise, d’arabe, de lettres anglaises et d’économie politique.
De Paris VIII, la mienne, je sais qu’il ne reste plus rien. Pas un mur, aucune de ces cloisons des toilettes où nous, les femmes, nous rendions en ayant un peu peur d’apercevoir l’œil d’un voyeur par un de ces trous qu’ils faisaient dans les portes en bois creux. Pas un poteau délimitant l’ancien terrain. Rien. Je sais que les herbes folles y ont repris leurs droits.
De ce lieu où j’ai milité, aimé, ri, où je me suis mise en colère également, il ne reste plus rien que ces souvenirs que j’ai gardés, précieusement conservés.
Nous sommes le 8 décembre 2016 et elles m’invitent à leur parler de la coordination des Femmes Noires, elles qui ont tant besoin de repères, de notre parole, de mes souvenirs, au moment où elles constatent à quel point leurs préoccupations sont, aujourd’hui encore, exclues de la pensée commune des militants de leur fac, qui s’efforcent d’effacer l’annonce des rencontres qu’elles organisent… Paroles non blanches, c’est le nom qu’elles se sont choisi… Elles désirent, manifester par là leur désir de faire entendre à tous et toutes (les rencontres sont mixtes, mais les intervenants sont noirs ou maghrébins essentiellement) des militant-e-s engagé-e-s dans des groupements non dominés par les hommes blancs de cinquante ans. Une façon de remettre en question l’organisation générale de la société française et de mettre en lumière les voix que notre société n’entend pas. Paroles non blanches est un terme qui m’interroge et que je comprends à la fois. Qui m’interroge parce que je pensais que les choses avaient changé, que les alliances étaient bien plus simples de nos jours. Mais c’est un terme que je comprends également parce que nous aussi, de la coordination des Femmes Noires, nous nous sommes constituées en force autonome au sein du mouvement féministe des années 70, parce que nous nous sentions insuffisamment — voire pas du tout — représentées, que la parole ne nous était pas donnée, que nous ne voulions pas être parlées par d’autres, fussent-elles nos amies les plus proches et que nous aimions.
Un flash… quarante ans plus tôt
De quoi ai-je empli ces quarante années ? Que vais-je pouvoir leur dire de nos combats, de ma révolte, de mon engagement ? Pourquoi ? D’où est-ce que tout cela a émergé et pourquoi ? Que puis-je retenir de toute cette vie de militantisme et surtout, quelles erreurs leur dirais-je de ne pas commettre ?
Il fait un froid de canard. J’arrive au métro, Université de Saint-Denis, traverse cette immense esplanade balayée par les vents, pénètre dans le hall et attends, au pied de l’escalier roulant que V. vienne me chercher.
Une belle jeune femme noire aux cheveux bouclés me rejoint — voix grave et profonde., très grand sérieux, parole directe et presque brutale. Ce pourrait être moi, cette femme à la parole qui bouscule. Ce petit fond d’agressivité, comme je le comprends. Il y a, chez nous deux — et chez bien d’autres comme moi — une façon de prévenir les agressions, en étant soi-même brutale par avance. Pas le temps de passer par toutes les phases habituelles, qui débouchent de façon quasi systématique sur ce qui exaspère. Le retour sur ta différence, les questions sur tes origines, la confusion entre les « îles », la relativisation de tes combats, cette susceptibilité dont on te soupçonne porteuse a priori et tant d’autres préjugés qu’il faut sans cesse déconstruire jusqu’à l’écœurement. Alors, quelquefois, tenir à distance l’inconnu par mesure de précaution…
J’arrive dans une salle de cours. Les tables disposées en carré. Les étudiants, – hommes et femmes, – sont graves. Ils écoutent un intervenant se présentant comme queer : il remet en cause les catégories d’identité de genre (homme/femme) et d’identité sexuelle (homosexualité /hétérosexualité). Un autre aspect des questions de différence et de reconnaissance de ces différences.
Sur une table, dans un angle, cafetière, théière et de quoi manger… Et puis une petite boîte pour récolter des sous. « Participation libre ». La petite boîte me fait sourire… Nous aussi, autrefois…
C’est bientôt mon tour. Elles m’écouteront tout aussi attentivement, avec une réelle soif de découvrir cette histoire de nos militantismes.
Évoquer la coordination des Femmes Noires
1976. Quelques femmes africaines et caribéennes se retrouvent sur le constat que les questions qui les concernent au premier chef ne sont pas abordées par le mouvement féministe des années 70.
Le racisme, la stérilisation sournoise des femmes d’outre-mer sous la houlette de Michel Debré, le développement du planning familial dans les départements d’outre-mer pour une « gestion » de la fécondité des femmes noires tandis qu’aux femmes de l’Hexagone, on refuse la contraception, et puis un autre type de rapports avec les hommes noirs parce que nous prenons en compte les formes d’exclusion auxquelles ils sont soumis.
Et surtout, le refus d’être « anthropologisées » parce que nous ne sommes pas que des femmes excisées et infibulées…
Je les rejoins en 1978, à la suite d’une rencontre organisée à l’AGECA, lieu de réunion fondé par des militants du 11è arrondissement. Rencontre au cours de laquelle certains militants noirs nous reprochent de « singer la femme blanche ».
Nous nous sommes trouvées prises entre deux feux : certaines femmes françaises qui ne comprenaient pas que nous ayons besoin de nous réunir entre nous et certains hommes noirs qui nous accusaient de nous prendre… pour des blanches !
Nous voulions affirmer l’intersectionnalité des luttes car nous nous trouvions au carrefour de plusieurs luttes. Je précise à mes interlocutrices qu’à l’époque, nous n’utilisions pas ce terme d’intersectionnalité qu’ont forgé les femmes noires américaines, en particulier Kimberlé Crenshaw et qui vise à rendre perceptible de quelle manière les femmes noires sont victimes de plusieurs discriminations à la fois : en tant que femmes noires, elles subissent des discriminations dont ne souffrent pas les hommes noirs, et en tant que femmes noires, elles subissent des discriminations dont ne sont pas victimes les femmes blanches. Porteuses du même constat, à la coordination des Femmes Noires, nous nous contentions de ce slogan : « Dans les colonies, les néo-colonies, nous subissons une triple oppression : en tant que femme, en tant que classe, en tant que race ».
Évidemment, ce concept de « race », tout comme aujourd’hui, posait problème auprès de ceux et celles qui nous entendaient l’utiliser. Le concept social de « race », nous y tenions, le différenciant du concept biologique de « race » que, bien entendu, nous rejetions. Mais nous savions ce que nous vivions, tous les jours, à cause de notre couleur de peau et de tout ce que ce fameux concept de « race », brutalement créé et tout aussi brutalement abandonné, a laissé dans les consciences. Les présupposés, la misogynie raciale, tous les qualificatifs que nous entendions à notre sujet, les préjugés sur notre sexualité sans doute « sauvage », nous étions forcément des femmes « chaudes », « maternelles », de bonnes nourrices aux seins toujours bien pleins… Tant de films vantaient cette qualité chez nous !
Nous voulions également évoquer le Bureau de migration des Dom (Bumidom), cet organisme chargé de gérer l’émigration des originaires d’outre-mer vers l’hexagone, une émigration qui faisait de nos femmes des servantes en majorité, formées rapidement dans des centres de formation excentrés, à devenir filles de salle ou servantes à domicile. Bien plus rarement infirmières.
Des questions de classe, donc…
Faire émerger nos questions spécifiques
Ces femmes isolées n’étaient pas organisées, pas syndiquées, pas encartées dans des partis politiques.
Qui s’inquiétait de leur sort ?
Il ressortait des discours officiels que l’on combattait par cette émigration massive — Aimé Césaire parlera plus tard de « génocide par substitution » — le chômage dans les Dom, sans que jamais ne fût évoqué le fait que les allocations familiales n’étaient pas versées à ces femmes (d’ailleurs, à l’époque, c’était au mari qu’étaient versées les prestations sociales) et servaient à couvrir les frais de leur transport et de leur formation ou que celles qui ne recevaient pas d’allocations étaient tenues de… rembourser le Bumidom, une fois qu’elles auraient trouvé un emploi.
Nous voulions évoquer les cas des jeunes femmes venues d’Afrique, logées par un parent qui se contentait d’en faire une servante, que dis-je, une sorte d’esclave puisqu’elles n’étaient pas payées. Tout juste nourries et logées pour s’occuper des enfants du frère, du cousin, de l’oncle. Nous avions tant de sujets différents. Celui des femmes emprisonnées par des dictateurs en Afrique.
Nous voulions parler de la prostitution réelle et de la prostitution supposée des femmes qui réclamaient de pouvoir partir pour l’Hexagone avec le Bumidom. Elles étaient aussitôt soupçonnées de vouloir aller faire métier de leur corps. Les familles portaient cette trace honteuse, indélébile sur le front. Pareille supposition n’a, bien entendu, jamais été véhiculée à propos des hommes…
Tout en condamnant et combattant l’excision et l’infibulation, nous tenions à dire à quel point la fixation du mouvement féministe sur ces deux sujets nous mettait mal à l’aise : pour nous, ce regard anthropologique n’était pas exempt d’une forme de paternalisme vis-à-vis de ce continent africain de toutes « les sauvageries ».
Nous nous opposions aux expositions insultantes de sexes de femmes excisées sans qu’il soit tenu compte de notre pudeur, de notre rapport à notre corps. « Notre corps nous-mêmes » ? Ce slogan ne nous concernait pas ?
Nous étions révoltées par le fait de nous sentir traitées comme des mineures dans ce slogan : « Avortement libre et remboursé…y compris pour les mineures et les immigrées ». Bien sûr que nous savions que tout cela partait d’une volonté que les femmes immigrées également bénéficient des mêmes droits, mais pourquoi ce slogan était-il rédigé de cette manière ? Se rendait-on compte de ce que cela véhiculait pour nous ? Pouvions-nous le dire ? Exprimer notre désir de ne pas nous sentir victimes de paternalisme et pas davantage de maternalisme ? Comment exprimer cela et en même temps construire des alliances ?
Invisibilités politiques
Je leur parle, en parallèle, de mon sentiment à l’égard des organisations politiques de gauche ou d’extrême-gauche. Le sentiment que j’avais que, bien que la lutte contre le colonialisme soit bien à l’agenda de ces associations et partis, la méconnaissance des conditions réelles de vie dans les départements et territoires d’outre-mer, la survivance de relations héritées de la période esclavagiste, la division de la société suivant l’origine « raciale », les injustices liées à la couleur de la peau, l’extrême misère dans certains quartiers, la désindustrialisation massive, le chômage pléthorique (plus de 20% depuis les années 60) demeurent des sujets totalement absents de leurs préoccupations.
En réalité, chaque organisation ou parti semblait avoir un parti croupion réservé aux « Antillais » et quelquefois aux « Africains », petit organisme frère ou organisation sœur qui mettait globalement tous ces gens dans le même sac, indépendamment des différences majeures qu’il pouvait y avoir entre eux. L’Afrique n’était pas vue comme un continent de 55 pays, avec des milliers de langues différentes, des systèmes politiques et traditionnels très différents.
À la fin des années 70, la Guadeloupe a été violemment secouée par des explosions, des bombes ont tué une touriste américaine et plus tard des militants ont sauté sur une bombe dont on nous dit qu’ils s’apprêtaient à la poser… Les grands titres des journaux nationaux reprenaient ces informations en boucle. Certains indépendantistes avaient fini par crever l’abcès et sans l’avouer publiquement, une part de la population guadeloupéenne se sentait en accord avec ces actions. Quelque chose d’une fierté se mêlant à de la peur. Quelque chose qui avait à voir avec le désir de ne pas toujours faire partie des « cocus » de l’histoire. Il y avait eu les indépendances africaines, la guerre d’Algérie. Certains guadeloupéens avaient rejoint les Algériens et été interdits de séjour en Guadeloupe, déchus de leur nationalité. Ils étaient rentrés, clandestinement. Pour les militants, c’étaient des héros. Mais nul ne les connaissait en France. Ils ne faisaient pas et ne font toujours pas partie de l’histoire de la guerre d’Algérie pour les historiens français. L’un de ces hommes, qui a grandi en Algérie après la fin de la guerre a été arrêté et emprisonné après les explosions des années 80, par le juge Brughière, spécialiste de l’antiterrorisme.
Je raconte à ces jeunes femmes comment, la veille, le 07 décembre, un homme, parlant du terrorisme en France, déclarait qu’il n’y avait pas eu d’actions terroristes sur le sol français avant les attentats de 1982, rue des Rosiers. Je dus lui rappeler que les guadeloupéens ont commis plusieurs attentats en 1980 sur le sol guadeloupéen — qui jusqu’à ce jour est considéré comme la France — , et qu’en 1981, une bombe avait détruit les locaux du couturier Chanel à quelques mètres du ministère de la justice. Non pas que je me revendique des poseurs de bombe, mais simplement pour signifier à quel point l’histoire de nos pays semble ne pas faire partie de l’histoire de France.
Je tenais les deux bouts de cette chaîne : féministe et militante politique. Et à chacun de ces bouts, j’avais le même sentiment d’être invisible, inaudible.
Je leur dis à quel point je suis frappée par le fait que personne ne se souvienne de nous. Sauf Michèle Larrouy qui était à la fois féministe et militante de la même organisation politique que moi et qui a été la première à réinscrire la coordination des Femmes Noires au sein du mouvement féministe en m’interviewant pour son ouvrage sur la presse féministe des années 70 [1].
Pourtant, nous n’étions pas des femmes silencieuses. Oh, non ! Et surtout pas moi…
Mais peut-être que les thèmes qui me motivaient et dont je voulais parler — dont j’ai pu parler une fois dans cette organisation politique à laquelle j’appartenais… et mon intervention fut suivie d’un long silence gêné — n’étaient pas prioritaires. J’avais, je m’en souviens, évoqué la naissance du Syndicat général de l’éducation en Guadeloupe et lu le texte qui avait été édité à sa fondation.
Y était abordées, entre autres, la question du « vivre et travailler au pays », slogan en cours depuis les années 70, autour de la lutte aux côtés des paysans du Larzac.
La priorité de la lutte des classes, encore, toujours…
Lutte des classes, révolution, construction du parti, tout cela demeurait central et le reste était « mouvements de masse » ou « spécificités », dont on pourrait reparler après la révolution.
En m’accueillant ce 8 décembre, V. me montre, en passant, les slogans qui recouvrent l’appel à leur rencontre : « Non à la division, priorité de la lutte de classes ».
Je me retrouve quarante ans en arrière… Je souris… Oui, j’ai connu cela… Au sein de tous les partis, et même plus tard, chez les partisans de l’indépendance en Guadeloupe. Lutte des femmes ? La question n’était pas à l’ordre du jour. Je me demande où est passé le mouvement des femmes en Guadeloupe. Je n’y ai jamais connu que les organisations féminines affiliées au Parti communiste, dont le discours a lentement évolué, qui se préoccupe beaucoup, aujourd’hui, des violences faites aux femmes, mais dont les préoccupations, à mon retour en Guadeloupe en 1981 étaient centrées autour de la famille. Femme, famille ? Le couple inséparable, n’est-ce pas ?
[1]. Martine Laroche , Michèle Larrouy, Mouvements de presse : Années 1970 à nos jours, luttes féministes et lesbiennes. Éditions ARCL – Archives Recherches Cultures Lesbiennes, Paris – 2009
Pour en savoir plus
Fiche dans Wikipedia : Gerty Dambury
LIEN https://fr.wikipedia.org/wiki/Gerty_Dambury
Bibliothèque Marguerite Durand
· 396 COO (coordination des femmes noires)
Brochure de 38 pages publiée en juillet 1978
· Dossier Femmes noires DOS 396 FEM
Centre de documentation « Traces » ATF
Photographies, notamment 8 mars 1980 (Catherine Deudon) et ultérieurement. Tracts. Coupures de presse.
Autres sources
Livre de Awa Thiam, La parole aux négresses, Paris, Denoel Gonthier, 1978.
Deux affiches (1977 et 1979) reproduites dans La Gaffiche, 10 ans de femmes au quotidien, 1982.
Activités de Gerty Dambury
Gerty Dambury poursuit aujourd’hui ses activités en région parisienne.
Avec sa compagnie, La Fabrique Insomniaque, elle poursuit deux activités principales :
1. Faire connaître les littératures de la Caraïbe, à travers les rencontres qu’elle organise, les Sénas, version créole et littéraire d’une assemblée démocratique où les participants – public et comédiens – se partagent la parole autour d’un thème illustré par des lectures de textes d’auteurs de la Caraïbe anglophone, francophone, hispanophone et créolophone. Ces rencontres se tiennent avec le soutien du Musée Dapper, et se déroulent dans le café de ce dernier au 45 bis rue Paul Valéry, 75016 Paris.
2. Mettre en scène des textes d’afro-descendants :
En 2011, Jaz, de Koffi Kwahulé, auteur français né en Côte d’Ivoire
En 2015, Des doutes et des errances de Gerty Dambury, mis en scène par Jalil Leclaire
À venir La radio des bonnes nouvelles, une utopie féministe de Gerty Dambury, revisitant avec humour les inégalités qui demeurent, à travers les voix de grandes figures du féminisme (Angela Davis, Louise Michel, Théroigne de Méricourt, Ida Wells Barnett, Gerty Archimède…), dans une mise en scène commune de Gerty Dambury et Jalil Leclaire. Une maquette en sera présentée aux Métallos le 22 février 2017
Bibliographie sommaire
• Lettres indiennes (Théâtre, éd. Lansman, 1993)
• Trames (Théâtre, éd. du Manguier, 2008)
• Les Rétifs (Roman, éd. du Manguier, 2012)
• Tino le lamantin (Livre pour enfants, éd. Gallimard Jeunesse, 2013)
• Le rêve de William Alexander Brown, éditions du Manguier 2015, Prix carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde 2015,
• La Sérénade à Poinsettia, roman, éditions du Manguier, 2016
Sylvie Alphandéry dit
Merci Gerty, et merci François qui a réalisé cet entretien absolument passionnant. Je me suis rendue compte, en le lisant, à quel point, faire des retours vers l’histoire immédiate des années 70 a du sens. Merci pour cette transmission indispensable. Sylvie
Michèle Narvaez dit
Merci Gerty, pour ce lumineux article. J’aurais tant de choses à dire que je ne sais par où commencer. Je pourrais bien sûr dire qu’il a éveillé en moi les souvenirs de cette université de Vincennes d’autrefois, qui n’existe plus non plus que dans mes souvenirs, et où j’ai cru que nous refaisions le monde ! Je pourrais te parler de Maria, mon amie camerounaise, victime de la répression dans son pays (son mari était en prison), avec qui j’ai partagé un temps mon petit appartement du Quartier Latin, et qui m’a fait mieux comprendre l’oppression des femmes noires. Elle a travaillé à Jeune Afrique, puis est partie vivre en Guadeloupe je crois, ou en Martinique, nous nous sommes perdues de vue, et j’ai appris avec tristesse son décès.
Je pourrais … je pourrais…
Mais en fait non, ce dont j’ai envie de parler c’est de ton écriture, de ton style. De ce qu’ils révèlent de générosité, de souci des autres, de compréhension de leurs sentiments, leur peur, ou leur agressivité. Tu écris comme on sourit, d’un sourire un peu triste, un peu nostalgique, mais plein d’humour. Tu écris avec une tranquille lucidité, sans colère, mais pour expliquer qu’il ne faut jamais s’arrêter de dénoncer, qu’il ne faut jamais se taire -même quand on ne vous laisse pas la parole! -, parce que les problèmes sont toujours les mêmes, aujourd’hui, comme il y a quarante ans. Aucun fatalisme dans cette tranquillité qui est la tienne, bien au contraire de la ténacité, une intrépide ténacité ! Et la poursuite d’un chemin de vérité.
Au-delà des questions spécifiques que tu soulèves, celle de la triple exclusion des femmes noires ou encore celle de la « priorité à la lutte des classes », qui occulte tant de luttes, tu mets le doigt sur quelque chose d’essentiel : la nécessité du dialogue entre les générations, la richesse de l’écoute, du partage des expériences, entre celles et ceux qui s’interrogent aujourd’hui et celles et ceux qui ont tenté d’apporter des réponses hier : « De quoi ai-je empli ces quarante années ? Que vais-je pouvoir leur dire de nos combats, de ma révolte, de mon engagement ? Pourquoi ? D’où est-ce que tout cela a émergé et pourquoi ? Que puis-je retenir de toute cette vie de militantisme et surtout, quelles erreurs leur dirais-je de ne pas commettre ? » Ces questions, à la fois modestes et ambitieuses, nous concernent toutes et tous, quel que soit notre âge.
Merci Gerty pour cette leçon d’humanité !
Michèle
Poutrain dit
Bonjour,
Merci pour cet article super intéressant qui me donne envie d’en savoir davantage sur cette histoire encore méconnue. C’est pour cette raison que je souhaiterais avoir plus de documentations (s’il y en a) sur la stérilisation des femmes d’Outre Mer sous Michel Debré.
Très cordialement
Marc Cheb Sun dit
Très intéressant, merci