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Populisme, fascisme, l’Italie laboratoire politique ?

28/12/2022 par François Vescia 1 commentaire

La scène italienne est-elle depuis au moins un siècle le véritable laboratoire de la politique ?

A cette thèse souvent développée, Antonio Scurati (1), écrivain italien répond par l’affirmative et complète notre compréhension des évènements par une distinction utile entre populisme et fascisme.

L’auteur a déjà produit un roman historique en trois tomes décrivant l’ascension, le règne et la chute de Mussolini. Trois ans après sa marche sur Rome de 1922, Mussolini à la tête du parti fasciste est le maître incontesté de l’Italie. Il lance son pays dans des guerres coloniales, réconcilie l’Italie et la papauté au point de se faire appeler par Pie XI « l’homme de la providence ». Son règne dure 21 ans (1922-1943) et se termine dans les affres de la seconde guerre mondiale déclenchée par les régimes fascistes.

Cent ans plus tard combien de temps le gouvernement dirigé par le parti postfasciste de Georgia Meloni élu en septembre 2022 durera-t-il ?

            Salvini – Berlusconi – Meloni

Populisme ou fascisme ?

Antonio Scurati a exploré le régime mussolinien dans tous ses fonctionnements, il y distingue deux ressorts que l’on confond parfois. Le populisme d’une part et le fascisme d’autre part.

Les distinguer aide à mieux qualifier l’expérience en cours en Italie. Peut-on dire que c’est un gouvernement fasciste ? Alors que doit-il à Mussolini, si ce n’est au fascisme ? Comment caractériser cette reprise du lègue ? Validée par les appareils conservateurs, puis par le suffrage universel, l’accession de Georgia Meloni à la tête de l’Italie en 2022 s’appuie bien sur des valeurs élaborées dans les années 1920 par le Duce mais pas sur tout cet héritage.

Si Mussolini est l’inventeur du 1er régime fasciste de l’histoire, pour Scurati Mussolini « est l’inventeur de ce que nous appelons aujourd’hui le populisme » (tribune du Monde du 7 décembre 2022).

Sans surprise Antonio Scurati identifie la violence du fascisme (marche sur Rome, bandes fascistes, intimidation ou liquidation des opposants). Le fascisme appuyé sur des valeurs d’extrême-droite s’oppose à la démocratie en la terrorisant. Mais l’analyse serait incomplète si seule la violence de ce régime en expliquait le « succès ».

La force de Mussolini indique Antonio Scurati est d’avoir élaboré un corpus idéologique populiste – et antidémocratique- permettant l’adhésion de pans entiers du corps social par séduction et par réponse à des attentes. En ce sens Mussolini fournit aux populistes un prêt à penser dont l’avenir semble plus prometteur que le fascisme lui-même.

Sur quoi est basé le populisme d’après Antonio Scurati ?

Le populisme -comme la démocratie- surgit à l’ère des masses, quand la classe dominante ne peut plus imposer le choix des dirigeants d’un pays par simple référence au droit divin ou à une monarchie héréditaire. Désormais c’est le peuple souverain qui est censé choisir ses dirigeants.  Mais les modalités de choix (élection) ou non choix (coup de force) révèlent le plus souvent que ce souverain pluriel est en fait divisé, voire déchiré.

Dans cette situation l’avènement du populisme s’appuie sur trois mécanismes pour Antonio Scurati.

1.     Le premier est que le populisme répond aux difficultés à faire vivre la démocratie. La réponse populiste fournit une formidable simplification du réel : « Je suis le peuple. Le peuple, c’est moi». La personnalisation de la politique en est la clé. Le leader est l’expression du peuple et le peuple s’identifie au leader. Mussolini exhibe son corps personnel et manipule des émotions collectives. Ne pas y adhérer, ne pas être d’accord, c’est ne pas être d’accord avec l’incarnation du peuple. Il n’y a pas de place pour d’autres pouvoirs ou pour des opposants, ceux-ci sont désignés comme des étrangers au corps social. Le leader populiste a besoin d’ennemis, qu’il s’agisse d’opposants ou simplement de différents. Il simplifie la scène politique et sécurise sa base sociale.  Ce premier mécanisme est largement repris par des leaders illibéraux.

2.     Mussolini ajoute une seconde simplification. Il s’agit du rejet du pluralisme, de la négociation, de la démocratie même. « Nous ne sommes pas la politique, nous sommes l’antipolitique ; nous ne sommes pas un parti, nous sommes l’antiparti » proclamait Mussolini pour définir son mouvement. La société, la vie humaine sont trop complexes. La responsabilité est trop pesante pour les épaules des hommes et des femmes, le leader populiste libère ses concitoyens de ce poids, désigne des boucs-émissaires qui font obstacle à son espérance de simplifier la vie.

Pour Scurati « le populiste ne menace pas mais promet, en réduisant tous les problèmes au fantasme d’un envahisseur ennemi, un soulagement instantané : la simplification radicale de la complexité de la vie moderne ». En fait le populiste dénonce plus encore qu’il ne promet.

3.     Enfin « troisième grande intuition du populiste Mussolini : à l’ère des masses, le chef politique doit diriger les masses non pas en les guidant vers des objectifs élevés et éloignés qu’elles sont incapables de voir, mais en les suivant, en restant un pas derrière elles » (« Je suis l’homme de l’après », disait Mussolini, avec orgueil, de lui- même, « je suis comme les bêtes, je flaire le temps qui vient »). Des programmes, des stratégies, des idées ? Non il faut préférer la suprématie tactique du vide et être à l’affut des passions présentes. Scurati complète « On flaire. Et que flaire-t-on quand on réduit la vie politique à ses humeurs ? Presque toujours les mauvaises humeurs …et l’odeur aigre de la peur ».

Plutôt que de cultiver l’espoir de transformations, le populiste « cultive la seule passion politique plus puissante que l’espoir, c’est la peur. Mais la peur de quoi ? La peur des espoirs des autres ». Égalité des sexes, grand remplacement, droit de vote de tous les habitants aux élections locales, immigrations, sont autant de thèmes suscitant l’inquiétude sur lesquels le populiste va jouer et faire prospérer des peurs.

Enfin nous explique Scurati, « il ne reste plus qu’à transformer la peur en haine, transformer ce sentiment régressif, déprimant et invalidant en quelque chose d’agressif, de mobilisant, d’exaltant. Après avoir intimé pendant des années à la petite et la grande bourgeoisie d’avoir peur, le moment arrive de lui hurler : « N’aie pas peur, hais ! ».

 

Un contexte de crise favorable au populisme

En ce début de 21ème siècle, dans une convergence croissante, les économies passent sous contrôle des financiers. La pénétration du marché se fait dans les moindres activités (la mondialisation néolibérale), tandis qu’une partie des coûts associés à la production est reportée sur les collectivités, les États, les pays pauvres, les générations suivantes. La précarisation isole un nombre croissant d’individus, dissout les grands corps d’appartenance et de solidarité (parti, syndicats, églises, familles) et laisse les citoyennes et citoyens de plus en plus désorientés et vulnérables aux puissances économiques ou politiques.

Les politiques de diminution des impôts (pour les classes supérieures et le secteur privé) livrent le secteur public aux appétits d’investisseurs privés et étranglent les services publics (pourtant décisifs pour les classes populaires). Le choix de ces politiques se fait de plus en plus par-dessus les frontières et sur un mode contraint par la loi du marché, la gestion de la dette, et l’alignement sur une doxa économique.

Si la mise en place de l’État providence, ainsi qu’un pacte social plus équitable après-guerre ont donné moins de prise aux populistes, l’évolution des trente dernières années et la succession de crises lui redonnent une actualité.

Une recette italienne reprise avec succès

C’est dans ce contexte que la confiance dans la collectivité baisse et que le poids de la liberté individuelle parait trop lourd à certains. Alors dans ce clair-obscur surgit le populiste. Il donne la possibilité aux individus de se décharger de cette liberté, littéralement de s’en échapper. Erich Fromm – sociologue et psychanalyste états-unien d’origine allemande- avait désigné ce mécanisme psychologique de défense dans son ouvrage « Escape from Freedom » (la peur, la fuite ou l’évitement de la liberté) paru en 1941. Il en montrait les formes religieuses, idéologiques et politiques. « Si la démocratie a libéré certaines personnes, elle a en même temps donnée naissance à une société dans laquelle l’individu se sent aliéné et déshumanisé ». Sa critique s’appliquait d’abord aux totalitarismes staliniens et fascistes mais aussi partiellement à certains mécanismes de la société états-unienne.

Ainsi sans forcément avoir recours à la violence de nouveaux leaders émergent dans cette séduction populiste simplificatrice. Ils peuvent conquérir par des voies légales en Italie, aux États-Unis, au Brésil, en Inde, en Israël une assise électorale assez large au sein de la population et devenir majoritaires dans le bloc conservateur et éventuellement dans une élection nationale.

Viktor Orban justifie la mise au pas de la justice hongroise car c’est lui le représentant du peuple élu et non les juges. Le parti polonais droit et justice le PIS a voulu détruire le système judiciaire polonais et désigner les LGBT comme l’ennemi qu’il fallait expulser hors du champ social.

Pour Bolsonaro qui fait l’éloge de la dictature civilo-militaire (1964-1985) et de ses tortionnaires, ses opposants sont des « crapules », la justice est scandaleusement indépendante quand elle ne le soutient pas.

Trump utilise tous les ressorts du populisme en déplaçant l’enjeu d’une élection vers une approbation de sa performance comme acteur bonimenteur ou de son habileté comme tricheur astucieux qui parvient à ne pas faire prendre. Et le miroir qu’il tend aux classes moyennes appauvries vaut plus qu’une action concrète d’amélioration de leurs conditions de vie. Peu importe qu’il n’ait pas tenu ses promesses électorales de 2016 : réindustrialisation du Midwest, le mur payé par le Mexique, un nouveau plan de couverture santé, la lutte contre la crise des opiacés. Ses électeurs aiment être confortés dans leurs croyances suprématistes blancs et dans des théories conspirationnistes. En 2022 essayant de préparer l’élection de 2024, il annonce que les américains ont besoin d’un super héros, et qu’il vendait des cartes à collectionner NFT avec une photo de lui habillé en super-héros, cow-boy, entraîneur de football ou astronaute pour 99 $ chacune. Comme président ne prétend-il pas avoir fait mieux que Georges Washington et Abraham Lincoln ?

Les populistes sont donc au pouvoir, menacent d’y arriver ou revenir dans de nombreux pays. Jusqu’où la démocratie y survivra-t-elle ?

Des « frères d’Italie » déguisés en démocrates

Appliquant les recettes populistes de Mussolini, les « Fratelli d’Italia » sont passés de 4,4% des voix en 2017 à 26% en septembre 2022. Il a suffi de capitaliser sur frustrations des populations, les errances de la classe politique italienne, la vie chère, la montée des inégalités, le climat de déclin sans engagement trop précis.  Georgia Meloni a promis de relancer l’Italie, sa natalité, la mise en scène de sa grandeur. Prenant ses distances avec le MSI d’Almirante qu’elle admirait plus jeune, Georgia Meloni propose les mêmes promesses creuses mais sans les oripeaux machistes qui ne passent pas bien à la télévision. Berlusconi lui avait déjà donné l’occasion d’une première « dédiabolisation » en la faisant très jeune ministre en 2008, elle n’a pas eu à terroriser les populations dans une violence fasciste pour se faire accepter du patronat.

Une de ses premières mesures est de relever de 1000 à 5000 €, le plafonnement des paiements en espèces. Un véritable encouragement au marché noir. D’autres mesures symboliques consistent à rediriger une partie du budget de l’État, vers le privé au détriment du public. Comme souvent la politique populiste met en cause l’État social (ainsi est visé le Revenu citoyen mis en place par le gouvernement précédent).

A l’affut de gestes symboliques pour affirmer la souveraineté de l’Italie, le gouvernement Meloni refuse les sauvetages humanitaires de bateaux de migrants et engage une polémique avec la France et l’Europe. Certes leurs actions doivent être scrutés avec vigilance. Antonio Scurati comme les politistes Marc Lazar (2) ou encore Giuliano da Empoli (3) soulignent que pour l’instant la désignation fasciste sur le gouvernement Meloni est malaisée.

Jusqu’où pourrons-nous qualifier ces mouvements ou gouvernements de « seulement » populistes ? S’ils maintiennent sous une forme policée le plus loin possible le respect des apparences, de la légalité plutôt que de mettre en cause les institutions et les forces armées ? C’est le sens du repositionnement du Rassemblement National en France et des exemples polonais et hongrois. Ils tiennent compte du cadre légal Européen qui force à une certaine retenue.

Pourtant si la distinction entre populisme et fascisme est utile jusqu’à un certain point. Bien des questions se posent assez rapidement avec ces gouvernements dirigés par des populistes s’ils parviennent à se stabiliser durablement au pouvoir. Petit à petit les principes démocratiques ne fonctionnent plus : la justice perd son indépendance, la disparition du pluralisme touche vite les médias et en particulier les radios et TV d’état.

De même l’exemple de l’insurrection états-unienne du 6 Janvier 2021 au Capitole montre que la digue peut céder facilement.

L‘historienne italienne Stéfanie Prezioso met en garde. « Italie : une contre-révolution rampante (4)» et rappelle que Pier Paolo Pasolini prédisait une évolution sombre pour son pays car, poursuivait-il, « c’est un pays sans mémoire qui, s’il avait cure de son histoire, saurait que les régimes sont porteurs de poisons anciens, de métastases invincibles (5). »

Ce laboratoire politique n’a donc pas fini de nous surprendre, mais dans quel sens ?

 


(1) Antonio Scurati Fiche wikipedia et ouvrages en français

(2) Marc Lazar Historien et sociologue de la politique italienne

Article récent « Fratelli d’Italia : un succès et des interrogations »

Revue en ligne Analyses Opinions Critiques (AOC) 27 septembre 2022

(3) Giuliano da Empoli décrit dans le roman politique « Le Mage du Kremlin » comment fabriquer un populiste et comment celui-ci peut basculer dans la violence et la guerre. Voir article sur ce blog.

(4)     Stéfanie Prezioso Italie « une contre-révolution rampante » AOC le 19 septembre 2022

(5)     Pier Paolo Pasolini « Scritti corsari » (écrits corsaires), Milan, Garzanti, 1975, p. 87

 

Pour aller plus loin

Série Vidéo sur France 5

Mussolini, le premier fasciste – Réalisation : Serge de Sampigny Cinq Épisodes

 

Pour les amis

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Classé sous :Démocratie en question Balisé avec :Philosophie politique, Populisme

Commentaires

  1. Dreyfus-Alphandéry dit

    31/12/2022 à 10:10

    Bravo, François pour cet article très intéressant.

    Merci à toi, d’alimenter régulièrement ce blog qui était une belle initiative.

    Je te souhaite une belle année nouvelle.

    Sylvie

    Répondre

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