L’association « Autour du 1er mai » a été créée en 2005, dix ans après le grand mouvement contre la réforme des retraites, voulue par le gouvernement Juppé, à la suite de la réforme Balladur, qui pendant l’été 1993 a fait passer le temps de travail nécessaire pour faire valoir ses droits à la retraite de 37ans et demi à 40 ans. Cette référence n’est pas fortuite : en 1995, les cheminots en grève vont réaliser plus d’une trentaine de films qui témoignent à leur manière de l’un des mouvements de grève les plus importants de l’après 68. Ces films seront montrés aux Etats-généraux de Lussas, pendant l’été 1996, puis vont tomber dans l’oubli.
Ainsi va la mémoire audiovisuelle, fugitive et fragile, elle s’efface si on n’y prend pas garde. La mémoire des mouvements sociaux au cinéma est particulièrement vulnérable. Elle est peu conservée dans les institutions, même si la BNF – Bibliothèque Nationale de France- et le CNC – Centre National du Cinéma- s’y attachent d’une façon plus conséquente depuis une dizaine d’années.
C’est dans ce contexte que naît l’idée de la base « Cinéma et société » inventée par « Autour du 1er mai ». Cette base, recense les films qui témoignent de la société, de ses combats, de ses questionnements. Le territoire du cinéma est un : autrement dit on trouve dans la base, des fictions, des documentaires, des films militants, auto-produits, des films expérimentaux, et ce, depuis les débuts de l’histoire du cinéma.
Cette base est une base documentaire, elle ne veut en aucun cas se substituer aux institutions qui conservent les films. Chaque film est décrit par une fiche complète, qui renvoie vers le producteur, le diffuseur, voire le lieu où on peut consulter le film. Aujourd’hui alors que de nombreux films sont consultables en ligne, la base propose des liens vers ces sites de consultation.
Cette base se veut un outil d’éducation populaire : autrement dit elle aide associations, syndicats, acteurs du mouvement social à programmer des films et les accompagne dans cette démarche, en se mettant à leur disposition pour concevoir des programmations, comprendre les problèmes de droits de diffusion, retrouver des films peu connus ou oubliés.
En effet, pour les créateurs de « Autour du 1er mai », garder la mémoire du cinéma, et particulièrement du cinéma militant et engagé est un acte de résistance : résistance au présentisme qui parle d’un film quand il sort puis l’oublie ensuite, résistance à la pratique de consommation individuelle du cinéma et de la télévision.
Ainsi, Autour du 1er mai, née à Tulle, organise avec l’association « Peuple et Culture » Corrèze, qui invente depuis 60 ans des pratiques culturelles vivantes issues de l’éducation populaire, un festival de cinéma « La Décade, cinéma et société ». Cette manifestation se déroule, tous les ans, à Tulle dans le monde rural … autour du 1er mai ; terme polysémique qui signe le désir de l’association de se relier avec tous les mouvements, toutes les individualités qui luttent pour l’émancipation de tous. Pour « Autour du 1er mai », le cinéma créée du lien social, invite à la réflexion collective, à la rencontre entre des mondes qui ne se connaissent pas toujours : à la Décade cinéma et société, sont invités des réalisateurs et des intellectuels qui accompagnent les projections et construisent avec les spectateurs de Tulle et des villages avoisinants, un dialogue partagé et fécond.
Tout en transmettant la mémoire du cinéma, la base « cinéma et société » de Autour du 1er mai se met à l’écoute des pratiques audiovisuelles développées par les mouvements et collectifs qui aujourd’hui interrogent le monde et inventent des alternatives possibles, en se servant du cinéma pour en témoigner. En ce sens, Autour du 1er mai rencontre la volonté partagée, me semble-t-il par Générations, j’écris ton nom de s’inscrire dans un mouvement qui n’a pas renoncé à la volonté de changer le monde. Par ailleurs, l’association – c’est ce qui légitime encore plus ce compagnonnage avec Générations, j’écris ton nom – compte développer un projet de recensement exhaustif des films militants européens qui ont été réalisés en 68 et dans les années 70, afin de proposer à qui le désire des programmations qui font vivre des idéaux qui nous sont chers, l’internationalisme, le désir ce construire un monde, ouvert, privilégiant la libre circulation des individus, en résistance à l’omniprésence du marché, « Un Monde amoureux » aurait chanté la chanteuse québécoise Pauline Julien, dans les années 70…
Paris, le 22 janvier 2016,
Sylvie Dreyfus-Alphandéry, présidente et fondatrice de Autour du 1er mai
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